L’approche globale en accompagnement résidentiel

L’approche globale en accompagnement résidentiel1

Dans les mois suivant la fin du projet Chez soi à Montréal en 2013, apparaît l’appellation Stabilité résidentielle avec accompagnement (SRA), définie par l’entente Québec-Canada sur la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance(SPLI) «comme modèle de réduction de l’itinérance désigné comme Logement d’abord dans la littérature scientifique et adapté aux circonstances de la collectivité locale». L’Entente Québec‑Canada SPLI formalise le développement et la mise en œuvre de programmes SRA à travers plusieurs régions du Québec (Gouvernement du Canada, 2015).

Les principes de l’approche SRA rejoignent ceux du modèle Logement d’abord et comprennent : (1) l’accès immédiat à un logement permanent et à des services d’accompagnement, sans obligation d’être considéré prêt à vivre en logement, (2) l’autodétermination et le choix en matière de logement, (3) la distinction entre l’offre de logement et celle des autres services, avec engagement à reloger la personne au besoin, (4) l’accès au logement sans autres conditions que celles requises de tout·e locataire (paiement du loyer et respect des conditions du bail), (5) l’intégration du logement au sein de la collectivité et (6) le renforcement des compétences et de l’autonomie.

L’approche SRA est mise en œuvre à un moment où les politiques publiques et plans d’action québécois en itinérance, en santé et en matière d’«inclusion économique» se multiplient (Gouvernement du Québec, 2019). Ces politiques prévoient une diversité d’initiatives, de projets et d’approches qui suscitent des questions quant au rôle et à la responsabilité de divers acteurs de la société civile dans le secteur de l’itinérance. Elles proposent également une définition de l’itinérance plus large que celle mise de l’avant dans le projet Chez soi.2

Ainsi, au Québec, les personnes visées par l’approche SRA sont celles en situation d’itinérance chronique ou épisodique, sans égard à leur condition de santé, ce qui constitue un écart considérable par rapport aux personnes participant au projet Chez soi entre 2009 et 2012, qui devaient toutes présenter un trouble mental. La pérennisation de l’approche Logement d’abord au Québec s’opère donc par la porte de l’itinérance et non de la santé mentale. Ce choix politique d’une population «large» diffère des modes de pérennisation choisis par d’autres régions, entre autres, la France, où l’approche Logement d’abord est restée dédiée aux personnes vivant avec un trouble de santé mentale et où la référence d’un psychiatre est requise pour accéder aux services (Estecahandy, 2018).

Une des conséquences de ce choix est que la mise en œuvre de l’approche SRA, telle que prévue dans l’Entente Québec-Canada, touche une diversité de populations susceptibles de se retrouver sans domicile : jeunes en difficulté, y compris des mineurs, réfugiés et nouveaux arrivants, femmes et familles vivant des situations de violence, personnes âgées en perte d’autonomie, etc. L’approche rejoint donc certaines pratiques déjà existantes dans les milieux communautaires et institutionnels québécois et constitue un changement de paradigme pour certaines organisations, posant des questions sociales, pragmatiques et scientifiques importantes. Ces questions ont, entre autres, fait l’objet de débats et d’échanges lors du premier Colloque national en itinérance organisé conjointement par le Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté (CREMIS) et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) du Québec en octobre 2017 (McAll 2019).

C’est dans ce contexte et à la lumière de ces expériences (Chez soi-Montréal et Colloque national) que le CREMIS reçoit en avril 2017 le mandat de développer une approche SRA/Logement d’abord adaptée au contexte québécois et de soutenir le développement des connaissances des prestataires de services d’accompagnement résidentiel au Québec.

La démarche

 La démarche que nous avons effectuée s’inscrit dans le cadre conceptuel des déterminants sociaux de la santé tel que reconnu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2009). Ce cadre conceptuel rappelle que « [l]es inégalités en santé, qui pourraient être évitées, tiennent aux circonstances dans lesquelles les individus grandissent, vivent, travaillent et vieillissent ainsi qu’aux systèmes de soins qui leur sont offerts. À leur tour, les conditions dans lesquelles les gens vivent et meurent dépendent de forces politiques, sociales et économiques». (OMS, 2009 : 3) Il faut se rappeler que la santé est définie par l’OMS en lien avec le bien-être : «La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité» (OMS 1947 : 100). Les rapports sociaux inégalitaires et les inégalités de conditions qu’ils génèrent ont un impact direct sur le bien-être des populations, notamment à travers les préjugés et les traitements discriminatoires. Non seulement les personnes en situation d’itinérance, hommes et femmes, vivent-elles des rapports qui les stigmatisent en lien avec leur condition sociale actuelle, mais leurs trajectoires de vie peuvent aussi être marquées par une variété de rapports inégalitaires.

Les préjugés réduisent les personnes à des traits identitaires négativement connotés qui sont attribués aux groupes auxquels elles sont censées appartenir. À l’opposé d’une telle «réduction identitaire», se trouve une approche qui tient compte des personnes dans leur globalité (McAll et al., 2015). Cette globalité peut être pensée en lien avec le bien-être dans ses différentes dimensions. En se fondant sur un projet de recherche portant sur le soutien à domicile, McAll et al. (2014) en proposent cinq : les dimensions matérielle (conditions matérielles d’existence, y compris le logement), relationnelle (relations sociales), corporelle (santé physique et mentale), décisionnelle (autonomie) et temporelle (rapports aux temps de vie et aux routines quotidiennes). Toute forme d’accompagnement résidentiel qui vise à reconnaitre la personne dans sa globalité peut être pensée en lien avec son impact potentiel ou réel sur ces cinq dimensions. Jusqu’à quel point les différentes pratiques d’accompagnement proposées aux personnes en situation ou à risque d’itinérance tiennent-elles compte de ces dimensions et que sait-on de leur impact sur le bien-être des personnes accompagnées?

Pour répondre à notre mandat, nous avions comme objectif principal de décrire et d’analyser les pratiques existantes en accompagnement résidentiel au Québec, en particulier au regard de la diversité des populations desservies, des contextes, des types de logement existants ou à développer, des types d’accompagnement, des organisations ou institutions impliquées, des conditions d’émergence et de pérennisation des approches SRA, des connaissances ou compétences mobilisées et des pratiques prometteuses développées.

Dans un premier temps, et pour chacune des régions administratives du Québec, deux acteurs pivots (personne-relais du milieu communautaire et personne-relais du milieu institutionnel) ont été identifiés et ont agi comme répondants pour la collecte de données ou pour nous référer aux autres interlocuteurs locaux. Trois cents organismes ou équipes de suivi impliqués dans l’accompagnement résidentiel ont répondu à un bref questionnaire dont l’objectif était de mieux comprendre la nature de leurs interventions ainsi que le profil des populations auprès desquelles ils interviennent. À partir de ces résultats, nous avons identifié des organismes dans différentes régions du Québec représentant une variété de façons de faire et intervenant auprès de populations diverses.

Lors d’une première tournée régionale, les membres de l’équipe ont visité les organismes et équipes sélectionnés dans les régions, tout en assistant à différents moments d’accompagnement résidentiel, comme des visites à domicile et des ateliers ou groupes d’échanges destinés aux personnes accompagnées. Une deuxième tournée régionale s’est déroulée dans certaines régions du Québec (Saguenay-Lac-Saint-Jean, Montréal, Capitale-Nationale, Laval, Lanaudière et Laurentides) afin de réaliser des entretiens de groupe. Nous avons aussi effectué des entretiens individuels auprès de 24 personnes recevant des services d’accompagnement résidentiel dans les différentes régions visitées. Une première analyse a permis de rendre compte de la diversité (ou du continuum) des approches d’accompagnement résidentiel et des pratiques qui semblent être les plus prometteuses en fonction de la diversité de populations, de besoins et de contextes. Ces pratiques d’accompagnement, décrites à partir des témoignages des personnes accompagnées, ont été mises en dialogue lors d’une co-formation nationale qui s’est déroulée à Montréal les 21 et 22 février 2019.

L’analyse détaillée des entrevues et des groupes de discussion (focus groups) avec, en arrière fond, les constats provenant du projet Chez-Soi à Montréal et du Colloque national en itinérance de 2017, est présentée dans le rapport de recherche L’approche globale en accompagnement résidentiel, disponible au www.cremis.ca. Dans le présent texte, nous nous limitons à présenter les principes fondamentaux que nous avons dégagés de cette analyse et qui, selon nous, devraient faire partie de toute approche globale en accompagnement résidentiel.

L’approche globale en accompagnement résidentiel : principes fondamentaux

Les principes fondamentaux de l’approche globale en accompagnement résidentiel concernent (1) les conditions matérielles de vie et d’accompagnement, (2) la prise en compte des traumas en lien avec la santé physique et mentale, (3) l’univers de rapports sociaux dans lequel vivent les personnes, (4) le respect de leur autonomie dans la prise de décision et (5) le rapport au temps – le temps passé, le temps présent et le temps à venir.

Conditions matérielles de vie et d’accompagnement

S’établir dans son propre domicile ou dans des conditions de logement telles que souhaitées par la personne, manger à sa faim et selon ses choix, prendre ses propres décisions dans la vie quotidienne, pouvoir établir et respecter ses propres rythmes de vie, accéder à une sécurité autant physique que psychologique, dépendent des moyens matériels dont on dispose. L’approche globale en accompagnement résidentiel présuppose ces moyens et est difficilement réalisable si la personne dépend de l’aide sociale aux barèmes actuels et n’a pas accès à un logement subventionné ou à une subvention pour louer son propre logement sur le marché privé. Dans ce dernier cas, l’augmentation constante des coûts de location dans plusieurs régions et la réduction du parc locatif, représentent une barrière en soi qui est parfois infranchissable, au même titre que le manque de logements sociaux.

Tout comme ces conditions matérielles sont nécessaires pour les personnes accompagnées, un ensemble de conditions est requis pour réussir l’accompagnement. Prendre le temps pour établir un rapport de confiance et accompagner la personne aussi longtemps que nécessaire et à la fréquence requise, présume que la personne accompagnatrice dispose de ce temps. Pouvoir s’adapter aux besoins de différentes populations présume d’avoir accès à du soutien pour le développement professionnel ou d’espaces de réflexion pour les intervenants, ainsi que de la souplesse et du soutien de la part du milieu de travail (que ce soit du côté institutionnel ou communautaire). Si l’équipe du projet Chez-soi à Montréal a réussi, jusqu’à un certain point, à aider des gens en situation d’itinérance à s’établir en logement dans la durée, c’est entre autres, parce que les équipes de suivi disposaient de telles conditions. Plutôt que de voir ces conditions comme étant exceptionnelles et non-récurrentes, on pourrait les juger comme étant les conditions nécessaires pour accompagner.

Principe 1.1 : Les personnes accompagnées selon l’approche globale en accompagnement résidentiel disposent des revenus suffisants pour assumer leurs propres dépenses en répondant adéquatement à leurs besoins de base, en ayant accès, le cas échéant, à une fiducie volontaire pour les soutenir dans la gestion de leur budget.

Principe 1.2 : Les personnes accompagnatrices disposent des conditions de travail, des ressources, de la formation et des soutiens nécessaires pour réaliser l’approche globale en accompagnement résidentiel faisant l’objet des principes 1 à 5, notamment dans un contexte organisationnel relevant des services publics ou du secteur communautaire qui favorise la souplesse, la créativité, la disponibilité (en termes du temps alloué) et la proximité vis‑à-vis des personnes et leur milieu de vie, tout en respectant l’intimité et l’autonomie de ces dernières.

Les traumas et la santé physique et mentale

Les expériences traumatiques ont des impacts significatifs sur le bien-être et sur le développement des problèmes de santé mentale et de santé physique (Felliti et al., 1998; Shonkoff et al., 2011) Ces impacts, ainsi que les habitudes de vie telle la consommation de substances pour les apaiser, contribuent à la détérioration de la santé. Selon certaines études, une proportion élevée des personnes en situation d’itinérance auraient vécu des expériences traumatiques dans l’enfance (Bramley et al., 2015, Herman, 1992).La saillance de ce thème dans les récits des personnes rencontrées vient corroborer ces résultats. Plusieurs ont parlé des violences vécues dans leur enfance et des impacts, notamment sur le plan relationnel, sur leur isolement et sur leur difficulté à faire confiance. Certaines ont évoqué des problèmes de consommation et de santé mentale, tels l’anxiété, la dépression, l’état de stress post-traumatique, le déficit d’attention avec hyperactivité (TDAH) et le trouble de la personnalité. Ces diagnostics sont reconnus comme fréquemment associés à un vécu traumatique (Mueser et al., 2004, Herman 1992).

Si certaines personnes font un lien entre les évènements du passé et leur situation actuelle, d’autres peuvent ne pas reconnaitre l’impact traumatique sur elles de divers rapports abusifs ou de domination qu’elles auraient subis dans le passé, s’attribuant souvent la responsabilité de leurs difficultés. La population environnante – dans un contexte global où la responsabilisation individuelle constitue l’idéologie dominante et où les rapports sociaux sont en large part occultés – peut aussi voir dans la pauvreté extrême et le manque de logement la «faute» des personnes concernées. Les personnes accompagnatrices peuvent partager ce point de vue (faisant partie de la population soumise à cette idéologie) tout comme elles peuvent développer un autre regard en côtoyant les personnes accompagnées et en apprenant à connaître leurs histoires de vie. Même dans ce dernier cas, il peut leur manquer la formation nécessaire pour reconnaître les traumas vécus, l’impact de ces derniers sur la santé mentale et physique et sur le sentiment de sécurité intérieure qui peut influencer le sens d’«habiter» son logement.

Selon nos résultats, l’expérience d’habiter se décline autour de deux axes : un premier axe individuel, où des valeurs de choix, d’intimité, de sécurité, de protection dominent et un axe relationnel, centré sur les rapports sociaux significatifs où la personne est reconnue et appréciée, à l’intérieur et à l’extérieur du logement. Or, la majorité des expériences traumatiques ont eu lieu dans des logements et pour plusieurs personnes, le logement est un espace rempli de déclencheurs traumatiques et d’insécurité. Il peut ainsi y avoir un lien direct entre la capacité d’habiter et les traumatismes vécus dont l’approche globale en accompagnement doit tenir compte.

Principe 2: L’approche globale en accompagnement résidentiel reconnaît l’impact potentiellement traumatisant des expériences – et notamment des rapports vécus – dans les parcours de vie de différentes populations et l’effet cumulatif de ces traumas sur la santé mentale et physique. Les personnes accompagnatrices ont accès aux formations nécessaires pour savoir comment accompagner les personnes ayant vécu des traumas et les aider à limiter (et à comprendre) l’impact de ces expériences traumatiques dans la vie quotidienne des personnes à accompagner.

Un univers de rapports sociaux

Le type d’accompagnement et le type de logement à privilégier sont étroitement liés au profil et à l’histoire de la personne accompagnée, mais aussi à son appartenance à l’une ou à l’autre de diverses catégories de la population inscrites dans des rapports sociaux variés : rapports femmes-hommes, jeunes-adultes, autochtones /allochtones /non-autochtones, etc. Par exemple, les femmes peuvent avoir des besoins particuliers en fonction de vies souvent marquées par l’abus et la violence de la part des hommes – violence qui peut avoir eu lieu au domicile, d’où, parfois, une crainte de se retrouver seule en logement. Les jeunes, en passage difficile vers la vie adulte, peuvent avoir eux aussi un rapport particulier au logement comme un lieu de transition et d’exploration, ainsi qu’une volonté de se tenir loin de tout accompagnement de type institutionnel ou qui est vu comme une entrave à la volonté d’autonomie. Les personnes désaffiliées, après une période plus ou moins longue en situation d’itinérance et parfois une expérience carcérale ou une hospitalisation, peuvent avoir leurs propres difficultés en s’ajustant à la vie entre quatre murs et à la solitude. Quand ces femmes et ces hommes sont autochtones, tout ce qui est de l’ordre de la vie en logement et de l’accompagnement est étroitement lié avec les traumas vécus par ces populations et ces individus historiquement et actuellement dans leurs rapports avec les non-autochtones, par la barrière linguistique et culturelle, par le racisme et la discrimination auxquels ils sont confrontés.

Quand toutes ces personnes vieillissent, souvent de manière prématurée en situation d’itinérance, elles sont aussi sujettes à la marginalisation et à la relégation associées à l’âgisme, ainsi qu’aux effets cumulatifs – sur les plans de la santé physique et mentale – de parcours de vie marqués par l’intersection de rapports sociaux variés. Et lorsque la dépendance à l’alcool et à la drogue, l’incapacité/situation de handicap, ou le trouble mental font aussi partie de ces parcours, le rapport au logement et à l’accompagnement est nécessairement affecté, notamment par le regard projeté sur les personnes par la population environnante.

D’autres spécificités et croisements de rapports sociaux doivent faire appel à des compétences spécifiques et variées développées à travers le temps par les personnes et organismes qui interviennent et accompagnent, tout en étant conscients que le rapport d’accompagnement est aussi un rapport social en soi, faisant partie des rapports globaux entre intervenant·e·s (institutionnel·le·s et communautaires) et populations «cibles». Dans cet univers fait de multiples rapports sociaux et de leurs croisements, le rapport d’accompagnement résidentiel se démarque avec ses caractéristiques particulières et son potentiel de transformation.

Principe 3 : L’approche globale en accompagnement résidentiel tient compte des caractères spécifiques de la diversité de populations qui en ont besoin, ainsi que de la diversité de rapports sociaux et de leurs croisements qui les définissent (par exemple, jeunes en difficulté, femmes victimes de violence, personnes désaffiliées, populations autochtones, personnes vieillissantes, personnes avec une déficience intellectuelle, populations LGBTQIA2S). Le rapport d’accompagnement résidentiel lui-même selon l’approche globale se distingue par ses spécificités et son potentiel de transformation de ces parcours de vie marqués par les rapports sociaux existants.

Autonomie et prise de décision

Le respect des choix des personnes qui souvent, dans leur parcours de vie, ont été soumises aux choix ou aux décisions des autres, nécessite un type d’accompagnement particulier. La volonté de prendre ses propres décisions peut être associée à un sentiment d’incapacité, d’avoir souvent fait des mauvais choix dans sa vie ou encore à un manque de confiance. La confiance à construire n’est pas seulement envers autrui, mais aussi envers soi-même. Pour certaines personnes, ce passage vers la prise de décision autonome est en soi un parcours qui doit être accompagné et soutenu, exigeant aussi du temps, avec le risque d’une certaine dépendance maintenue envers autrui. Cela dit, l’autonomie dans les choix et décisions du quotidien en logement – y compris celui du type de logement et d’accompagnement – peut aussi être appréciée et assumée dès le départ lorsque les circonstances et les soutiens le permettent. Elle exige souplesse et reconnaissance de la part des personnes accompagnatrices œuvrant dans le cadre de programmes qui peuvent ne pas reconnaître cette capacité d’autonomie.

Principe 4 : Selon l’approche globale en accompagnement résidentiel, les personnes accompagnées sont reconnues comme les acteurs/actrices de leur propre vie, avec leurs forces, leurs désirs et aspirations et leur propre conception du bien-être, ayant accès à un accompagnement de leur choix et ce, à leur rythme. Les personnes accompagnées choisissent où elles habitent, quand et avec qui elles veulent habiter et pendant combien de temps, en fonction d’une diversité de choix qui leur est offerte, les choix effectués n’ayant d’incidence ni sur le fait d’être accompagnées ou non, ni sur les autres services offerts et reçus.

Le rapport au temps

Tout en voulant répondre le plus rapidement possible aux besoins des personnes en matière de logement et d’accompagnement, il n’y a pas de raccourci possible pour construire un lien de confiance avec elles, d’autant plus que les liens de confiance peuvent avoir été largement malmenés ou détruits dans ces parcours de vie. Les façons de s’y prendre sont aussi variées en fonction des individus et des populations, tout comme le temps nécessaire par la suite pour réussir l’accompagnement. Il peut y avoir de multiples allers-retours, des «rechutes», qui exigent une disponibilité particulière de la part des personnes accompagnatrices. «Habiter» un logement n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire, et prendre le temps signifie également explorer avec chaque personne le sens qu’elle donne aux notions de sécurité, d’intimité, et d’intégration sociale.

Principe 5 : L’approche globale en accompagnement résidentiel implique de prendre le temps nécessaire pour créer un lien de confiance réciproque, pour connaître et comprendre l’histoire des personnes et son impact sur leurs expériences actuelles et pour les soutenir dans la réalisation de leurs aspirations pour une durée variable selon leurs besoins.

 La personne dans sa globalité

En hébergement comme en logement de transition ou autonome, les personnes accompagnées que nous avons rencontrées identifient des services qui ont influencé leur capacité à trouver, garder et habiter un logement. Un aspect transversal des pratiques et services perçus comme favorables à une situation en logement satisfaisante qui répond à leurs besoins est l’accompagnement personnalisé, une approche centrée sur la personne dans sa globalité. Si les principes de l’approche Logement d’abord reposent sur ceux du rétablissement en santé mentale, qui est un modèle bien circonscrit, ces témoignages donnent des indices sur la façon d’offrir de tels services globaux et personnalisés à toute personne, qu’elle vive ou non avec un problème de santé mentale.

Notes

  1. Cet article est composé d’extraits du rapport de recherche L’approche globale en accompagnement résidentiel, Équipe de recherche SRA-Québec (2019), Montréal : CREMIS, 2019 (disponible au www.cremis.ca).
  2. Le Plan d’action interministériel en itinérance du Québec 2015-2020 (PAIIQ, 2012, p.6) définit l’itinérance comme «un processus de désaffiliation sociale et une situation de rupture sociale qui se manifestent par la difficulté pour une personne d’avoir un domicile stable, sécuritaire, adéquat et salubre, en raison de la faible disponibilité des logements ou de son incapacité à s’y maintenir et, à la fois, par la difficulté de maintenir des rapports fonctionnels, stables et sécuritaires dans la communauté. L’itinérance s’explique par la combinaison de facteurs sociaux et individuels qui s’inscrivent dans le parcours de vie des [personnes]».

Références

Équipe de recherche SRA-Québec (2019), L’approche globale en accompagnement résidentiel, Montréal : CREMIS, 2019 (disponible au www.cremis.ca).

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