Enjeux vécus par les femmes immigrantes en situation de handicap dans leur trajectoire de sortie de violence conjugale : une perspective occupationnelle

Les femmes en situation de handicap sont deux fois plus à risque que leurs consœurs n’ayant pas de limitation de subir de la violence conjugale, et ce risque s’accroît encore si elles sont issues de l’immigration. Si des études ont mis en évidence certains enjeux vécus par les femmes en situation de handicap (Ballan et Freyer, 2020) ainsi que par les femmes immigrantes (Vidales, 2010) dans leur parcours de sortie de violence conjugale, à notre connaissance aucune étude ne s’est intéressée au croisement et à l’effet amplificateur de ces marqueurs identitaires. C’est donc selon une approche intersectionnelle, comprise comme une « stratégie analytique permettant une compréhension de la vie et du comportement humain ancrée dans les expériences et les luttes des personnes privées de droits » (Dill, 2002, p.6, traduction libre), que nous abordons ce sujet. Nous considérons ainsi la conjugaison du genre avec d’autres systèmes d’inégalités et d’oppression — ici, le handicap et le parcours migratoire — comme produisant des expériences uniques de violence (Imkaan, 2019).  

Dans un précédent numéro de la Revue du CREMIS, Laurence-Ruel et ses collaboratrices présentaient les résultats préliminaires d’une étude portant sur les problématiques d’accès aux soutiens essentiels à la sortie de violence conjugale des femmes en situation de handicap. Cette étude s’inscrivait dans le contexte d’une recherche-action intersectorielle menée à Montréal, et ciblait les enjeux d’accès aux services du réseau des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale. Les constats soutenaient la nécessité d’inclure des réflexions sous l’angle du capacitisme dans l’élaboration des stratégies et politiques publiques ciblant le phénomène de la violence à l’égard des femmes en situation de handicap (Laurence-Ruel et al., 2022). 

Notre étude s’inscrit dans le cadre de la même recherche-action participative, et c’est en tant qu’étudiantes internationales à la maîtrise en ergothérapie que notre intérêt s’est porté sur les enjeux vécus par un sous-groupe de femmes : celles issues de l’immigration. En effet, il apparaît qu’à l’instar des femmes en situation de handicap, ces dernières sont plus susceptibles de subir de la violence que leurs consœurs (Taft et al., 2021). D’une part, ces femmes feraient face à davantage de barrières dans leur parcours de sortie de violence, en lien avec des problématiques propres au parcours migratoire telles que des enjeux linguistiques, culturels ou éducationnels (Erez et al., 2009). D’autre part, elles vivent également un plus grand isolement, disposant d’un réseau d’aide et de soutien plus réduit, et d’un accès moindre aux ressources d’un système qu’elles ne connaissent pas toujours (Hamberger et Larsen, 2015). Partant de ces considérations, notre objectif était alors de centrer notre attention sur l’effet conjugué du handicap à ces réalités difficiles liées au contexte migratoire, une intersectionnalité très peu abordée dans la littérature sur la violence conjugale. Spécifiquement, notre étude a visé à explorer les défis et besoins rencontrés par ces femmes tout au long de leur trajectoire de sortie de violence ainsi que les ressources et leviers de nature contextuelle et structurelle susceptibles de les soutenir dans cette sortie.  

Nous présentons ici nos résultats, analysés selon une perspective de justice occupationnelle, soit au regard des occupations influencées par la violence, susceptibles d’entraver la sortie de violence ou d’amorcer une sortie de violence. 

Démarche d’enquête 

Étant donné la difficulté d’entrer en contact avec cette population très spécifique et vulnérable, l’établissement d’un partenariat étroit avec les organismes communautaires œuvrant dans la lutte contre les violences faites aux femmes en situation de handicap s’est avéré déterminant. Nous avons participé à des actions organisées par l’Institut National pour l’Équité, l’Égalité et l’Inclusion des Personnes en Situation de Handicap (INÉÉI-PSH) ainsi qu’à des groupes de discussion avec des femmes en situation de handicap ayant vécu de la violence conjugale. Cela a permis l’instauration d’une relation de confiance avec l’organisme, mais aussi avec certaines des femmes qui le fréquentaient, et c’est ainsi que quelques-unes de ces dernières ont accepté de nous livrer leur témoignage à propos de leur parcours de sortie de violence. Le même lien a été établi avec la Maison des Femmes Sourdes de Montréal, organisme ayant une mission importante de lutte à l’égard des violences conjugales subies par les femmes sourdes. Nous nous sommes placées en position d’apprenantes, élément essentiel dans un processus de recherche-action participative ainsi qu’en recherche qualitative, pour susciter le dialogue et aboutir à une co-construction de la compréhension des phénomènes vécus et des connaissances (Riel, 2010; Creswell et Poth, 2018). 

Cette stratégie a permis de recruter trois femmes, âgées de 45 à 54 ans, originaires de différents pays d’Afrique, immigrantes de première génération, installées au Québec depuis au moins sept ans. Toutes trois présentaient une incapacité physique et nécessitaient des aides techniques et/ou humaines pour accomplir leurs activités au quotidien. En tant que militantes et activistes, ces femmes nous ont non seulement livré leur histoire, mais elles portaient aussi la voix de leurs consœurs, enrichissant ainsi les points de vue obtenus. C’est dans une approche empathique et bienveillante que se sont déroulées les entrevues individuelles, au mois d’avril 2022, en visioconférence ou en personne. Il est à noter que la durée moyenne des entrevues semi-dirigées était de 3 heures, et qu’il a parfois été nécessaire d’organiser deux rencontres. Quatre mois plus tard, nous avons organisé un groupe de discussion, afin de comparer notre analyse des premiers verbatims avec la perception des femmes, et de les affiner. La rencontre de groupe a finalement donné lieu à des recommandations concrètes, offertes par les femmes à destination de leurs consœurs et des intervenantes exerçant auprès de cette population. 

Justice occupationnelle  

Notre analyse des enjeux vécus par les femmes dans leur parcours de sortie de violence est fondée sur le concept d’occupation, définie comme « l’ensemble d’activités et de tâches de la vie quotidienne auxquelles les individus et les différentes cultures donnent un nom, une structure, une valeur et une signification. L’occupation comprend tout ce qu’une personne fait dans sa vie quotidienne, comme le fait de voir à son entretien personnel, de jouir de la vie et de contribuer au tissu social de la société » (Association canadienne des ergothérapeutes (ACE), 2002). 

Un accès juste (ou injuste) aux occupations repose sur une conjonction de facteurs structurels (comme les déterminants politiques et culturels, l’accessibilité environnementale, ou les programmes sociaux offerts) et contextuels (comme l’âge, le genre, l’état de santé ou l’ethnicité de la personne), (Stadnyk et al., 2010). C’est ce que sous-tend le concept de justice occupationnelle, complémentaire à celui de justice sociale, qui définit les enjeux d’équité et d’égalité d’accès aux opportunités de participation occupationnelle et d’engagement dans les occupations d’une personne ou d’un groupe de personnes, selon une perspective morale, éthique et politique. 

Cette conception s’avère pertinente dans le cas des femmes qui sont victimes de violence conjugale dont les causes prennent source dans des systèmes d’oppression liés à la situation de handicap et d’immigration. En effet, leurs droits à la participation, à l’engagement et à l’épanouissement occupationnels sont compromis, directement ou indirectement, par la violence conjugale : elles vivent donc des situations d’injustice occupationnelle (Wilcock et Townsend, 2009). Ces injustices, qualifiées de privation, d’aliénation, de marginalisation ou de déséquilibre occupationnels, ont notamment été décrites auprès de femmes en situation de handicap ayant vécu de la violence conjugale dans l’accès à l’emploi, au logement, aux études et à différents rôles sociaux (Smith et Hilton, 2008).  

Spirale négative 

Les privations de nature occupationnelle entrainées par la violence conjugale sont au cœur des témoignages des femmes et des injustices vécues. Les occupations principalement affectées réfèrent à l’exercice d’un emploi, la possibilité d’entretenir des relations sociales et de bénéficier d’un réseau de soutien. Une participante témoigne par exemple du fait que même si son conjoint ne l’empêche pas directement d’occuper un emploi, il s’en sert comme d’un moyen de contrôle en restreignant ses choix : 

« [Mon rêve], c’était de travailler dans le domaine [de la traduction]. Il me disait “non non non, tu vas faire de l’enseignement, tu vas aller enseigner dans une école”. Je lui dis “moi, j’ai pas étudié pour aller travailler en enseignement, ça m’intéresse pas, je n’aime pas ça”. Puis, à un moment donné, c’est moi qui ai laissé tomber, je ne voulais rien savoir. Mais c’est comme s’il contrôlait tout. » (Zahra1

Un autre exemple marquant est l’utilisation du travail par le conjoint comme une opportunité d’exercer une forme de violence occupationnelle sur la femme, en la culpabilisant sur sa capacité à prendre soin de ses enfants et à s’occuper de son foyer : 

« “Là, tu veux travailler dans tel domaine, vas-y, tu veux faire ça, vas-y”, j’veux dire, il va pas me dire “non, ne le fais pas”. Mais il va me contrôler d’une autre façon. Il va faire de la colère parce que je […] commence à m’intéresser à ma carrière, pis je laisse aller de l’autre côté, mettons, à la maison, quelque chose. Là, ça va devenir un gros problème, ça va devenir je suis une mère indigne, je laisse tomber ma fille, pis je suis pas capable de gérer […]. Pis : “comment veux-tu travailler si t’es pas capable de gérer chez toi?”. Pis c’est là, ça vient me miner. » (Zahra) 

Une forme de privation de choix occupationnel était également rapportée par cette même participante dans la sphère des relations sociales. Si le conjoint ne l’empêchait pas d’avoir un réseau social, il faisait en sorte de contrôler ses relations amicales, ce qui affectait directement la sphère affective de cette femme. Ce témoignage corrobore les données sur l’isolement social découlant du contrôle du conjoint, chez les femmes immigrantes (Rojas Viger, 2008). Cet isolement peut être majoré par le fait que la personne dispose d’un environnement social déjà restreint.  

« Il avait tout le temps un problème avec mes amies : “non, ce ne sont pas les bonnes amies”. J’étais même pas capable de sortir avec elles. C’est chez moi que ça se passait et lui était là. […] Mais je vivais beaucoup d’isolement, beaucoup, beaucoup… et puis je ne pouvais pas en parler à mes parents non plus. Tu vois, tu es coupée de tout. Je n’avais pas de réseau, vraiment. » (Zahra) 

Une autre forme de privation et de violence occupationnelle rapportée par l’une des femmes rencontrées concernait l’interdiction, par le conjoint, de gérer ses propres finances. Or cette sphère d’activité représentait une source d’espoir et d’estime pour cette femme, puisqu’il s’agissait pour elle d’une base importante pour son autonomie : « Je voulais avoir confiance en moi, puis être capable de faire mes paiements » (Kaëna).  

Les occupations valorisées culturellement par les femmes interrogées, comme l’intendance du foyer (faire la cuisine, par exemple), ont également fait l’objet de critiques importantes de la part de leurs conjoints. Ces multiples dévalorisations ont mis à mal leur estime de soi, d’autant plus dans un contexte où elles sont vulnérables de par leur situation de handicap et leur parcours migratoire. 

« Il faisait son propre manger, parce qu’il ne voulait pas manger le mien. Il critiquait beaucoup. […] Il m’a dégoûtée de la cuisine… et pour moi, c’est quelque chose d’important. » (Yasmine) 

Ainsi, si les occupations valorisées par les femmes ne faisaient pas toujours l’objet d’une privation directe par le conjoint, plusieurs droits occupationnels comme le droit à l’équilibre et à la signifiance occupationnels (Jasmin, 2019) étaient mis en péril. Cela constituait alors une spirale négative importante pour les femmes, faisant obstacle à leur sortie de violence. En effet, d’une part, toutes les formes de contrôle opérées par le conjoint, ainsi que les critiques associées aux rôles importants et valorisés par les femmes, avaient des répercussions importantes sur l’état émotionnel de ces dernières. D’autre part, il est reconnu que la pleine participation à des occupations telles que la gestion de ses finances, la participation à un réseau social ou encore l’exercice d’un emploi est susceptible de soutenir la sortie de violence conjugale des femmes en situation de handicap (Ballan et Freyer, 2020) et aussi des femmes immigrantes (Pottie et al., 2011). 

Défis croisés 

Un défi majeur relevé par les femmes concerne la peur de se séparer de leur conjoint et de perdre alors la garde de leurs enfants. D’une part, il apparaît que cette crainte est renforcée par la culture de l’unité familiale, étroitement liée aux valeurs de la communauté, mais aussi au contexte migratoire souvent associé à un réseau familial et social plus réduit. Cette conception du rôle de la femme comme garante de l’unité familiale, et la pression induite par le conjoint ou la communauté d’appartenance pour la maintenir, a d’ailleurs été mise en valeur dans une recherche faite à Montréal sur l’adaptation des besoins des personnes immigrantes en situation de violence conjugale (Rinfret-Raynor et al., 2013).     

« Notre parcours migratoire nous fait peur de se dire on va se détacher de tout. On n’a pas de réseau familial, on n’a personne. Ça veut dire que [si tu te sépares] tu exploses toute la cellule. C’est fini. » (Zahra) D’autre part, une femme a rapporté éprouver une grande méfiance envers le système juridique, croyant notamment qu’elle allait perdre son enfant si elle dénonçait son conjoint violent. La méconnaissance des lois chez les femmes immigrantes est une barrière qui a été relevée dans plusieurs études (Abu-Ras, 2003; Vidales, 2010; Hamberger et Larsen, 2015). Quant à la crainte reliée à la perte des droits parentaux, elle a aussi été mise en évidence dans une étude de Raj et Silverman (2003) menée auprès de femmes immigrantes sud-asiatiques. 

« Parce que moi, ma crainte, c’est qu’on m’enlève mon enfant, qu’on donne la garde à lui. […] j’avais une peur bleue du système, j’avais compris qu’il y avait des dangers majeurs que je perde mon fils. » (Yasmine) 

À cela s’ajoutent des barrières structurelles d’accès à une maison d’hébergement pour ces femmes. Telles que décrit par Laurence-Ruel et al. (2022), pour les femmes en situation de handicap, il s’agit notamment de locaux inadaptés et inaccessibles aux femmes présentant divers types de limitations fonctionnelles. Cela a d’ailleurs été le cas pour l’une des femmes que nous avons rencontrées. Quant aux femmes ayant réussi à accéder à un service d’hébergement, elles se sont vues confrontées à d’autres barrières de nature structurelle, telles que l’absence de choix culturellement sensibles concernant la nourriture, et le manque de sensibilité culturelle de la part des intervenant-es en maison d’hébergement. Une participante a notamment déploré le manque de formation de ces dernières aux enjeux liés à l’immigration, ayant teinté négativement son expérience. Cette perception des femmes à l’égard des services, caractérisée par une appréhension du jugement et du racisme des intervenant-es, constitue une barrière institutionnelle décrite dans l’accès à une maison d’hébergement à Montréal pour les femmes issues de la diversité culturelle (Pontel, 2007). 

« Si [une femme] est vraiment très pratiquante, elle ne va jamais aller dans un centre d’hébergement […]. Il n’y avait rien de culturel pour moi, j’ai eu une mauvaise expérience […]. Les intervenantes doivent être sélectionnées sur la base qu’elles aiment travailler avec la différence […]. Ça prend vraiment des compétences particulières. » (Yasmine) 

Ces témoignages montrent à quel point le vécu du handicap et de l’immigration teinte de façon singulière l’expérience des défis de la sortie de violence conjugale pour ces femmes, caractérisée notamment par une superposition des obstacles rencontrés. Approcher ces barrières selon une perspective intersectionnelle prend alors tout son sens, en permettant de mieux comprendre comment les systèmes oppressifs se répercutent sur le parcours de sortie de violence conjugale de ces femmes et de façon plus large sur leurs occupations (Crenshaw, 1991). 

Leviers de sortie

Certaines occupations, mentionnées aux paragraphes précédents comme ayant été la cible d’une violence conjugale, ont également pu constituer de puissants leviers dont les femmes se sont saisies au cours de leur trajectoire de sortie de violence. Par exemple, une participante a évoqué son rôle de mère comme contexte de déclenchement d’une prise de décision difficile : « Mon déclencheur, c’est le jour où il a levé la main sur ma fille. […] Là, j’ai dit : “non. Tu touches à ma fille, c’est fini”. C’est la ligne rouge là. Moi, je l’ai accepté sur moi un peu. Je subis, puis je suis lâche, mais pas ma fille. Tu ne feras pas ça à ma fille. » (Zahra) 

De la même manière, si l’accès à un réseau social avait pu faire l’objet d’une privation ou d’un déséquilibre, une participante a mis en évidence que c’est l’aide apportée par l’une de ses uniques amies qui a déclenché sa sortie de violence conjugale. Elle a ainsi pu accéder à des ressources et surmonter certains défis inhérents à son parcours migratoire, comme sa méconnaissance du système juridique : « Mon amie est allée voir mon mari, puis elle a dit “fais attention, sinon on va être obligé d’appeler la police”. Mais moi je ne connaissais pas les lois! [Plus tard] ma voisine a appelé le 911. […] Puis la police m’a référée à la maison des femmes sourdes, et là j’ai déménagé dans un centre d’hébergement » (Kaëna).

Un élément central et commun au récit des trois femmes rencontrées a été leur engagement associatif, qui a pu façonner leur sortie de violence conjugale, allant de la prise de conscience de cette violence, souvent internalisée, à des actions plus concrètes de militantisme. 

« Ça faisait longtemps que je vivais de la violence… Et c’est avec ces organismes que je commençais à écouter. Petit à petit, je commençais à mettre des mots sur certaines situations que moi-même je vivais, en voyant des femmes qui parlaient de violence. […] C’est là où je commence à comprendre : c’est quoi la violence verbale? C’est quoi la violence psychologique? » (Zahra) 

Finalement, les femmes mettent en évidence leur engagement communautaire comme occupation essentielle à leur parcours de sortie de violence conjugale. Vecteur d’estime de soi, de soutien entre pairs et assurant l’écoute et le soutien nécessaires, le militantisme féministe a apporté aux participantes des bienfaits multiples : « Le bénévolat, c’est une porte d’entrée pour beaucoup de femmes, et pour découvrir un potentiel. On se dit : “ok, je suis capable. Peut-être que je vais pouvoir trouver un job bien payé”. C’est un pouvoir d’autonomisation des femmes. » (Zahra) 

À cet effet, l’estime de soi et le pouvoir d’agir ont été définis comme des éléments indispensables par nos participantes. 

« L’important, c’est de s’estimer à sa juste valeur, donc aussi travailler beaucoup sur l’estime de soi. […] Je pense que c’est la clé même de se sentir bien et de pouvoir prendre son pouvoir en main. Surtout pour une femme handicapée ou immigrante qui s’est fait démolir. Ça s’applique à tout le monde, je dirais. Mais juste parce que la femme handicapée, on est déjà… C’est le fardeau, nous sommes des fardeaux pour la société. » (Yasmine) 

Humilité 

L’objectif principal de cette étude qualitative exploratoire était d’analyser les enjeux vécus par les femmes immigrantes en situation de handicap tout au long de leur trajectoire de sortie de violence conjugale, sous un angle occupationnel et intersectionnel. En somme, nous pouvons dire que la violence conjugale porte sur de nombreuses sphères occupationnelles et se répercute directement sur celles-ci, occasionnant des situations de privation et de déséquilibre occupationnels majeurs. Or ces violences concernent des occupations qui sont valorisées et importantes pour les femmes, en lien avec plusieurs facteurs contextuels (culture, valeurs et croyances personnelles des femmes). Cela, conjugué à des facteurs structurels (manque d’accessibilité des maisons d’hébergement et de compétence culturelle des intervenantes), contraint fortement la sortie de violence des femmes immigrantes en situation de handicap. 

L’engagement dans des occupations comme le bénévolat ou l’exercice d’un rôle social d’amie s’est aussi montré vertueux à différents égards pour soutenir la sortie de violence conjugale de ces femmes. Des approches communautaires semblent ainsi appropriées pour les rejoindre. 

Enfin, il apparaît fondamental d’aborder ce phénomène dans une position d’humilité en tant que chercheure, en redonnant la parole aux femmes qui l’ont vécu et dans le but d’encourager l’expression de leurs savoirs, de leurs besoins et de leur pouvoir d’agir, éléments clés pour permettre aux femmes de se reconstruire après avoir vécu de la violence conjugale. 

« Les approches doivent évoluer. Les approches doivent être revues absolument. […] Faire des colloques, faire des discussions […]. Je pense qu’à un moment donné, c’est bien de se remettre en question, et de dire : “ok, est-ce que c’est bon?”. On discute entre nous, on fait appel à des femmes qui ont acquis l’expérience. […] Moi en tout cas, j’adore participer à des choses comme ça, où on discute et où on est sollicitées pour notre expertise. » (Zahra) 

Remerciements  

Nous remercions chaleureusement toutes les femmes ayant accepté de nous partager leur vécu ainsi que l’INÉÉI-PSH et la Maison des Femmes Sourdes pour leur soutien précieux dans ce projet.

Notes

1. Tous les prénoms utilisés sont fictifs. 

Références

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