Saisir la personne dans sa « globalité » veut dire la saisir, dans la mesure du possible, dans les différentes dimensions de sa vie. Nos entrevues avec les personnes recevant des services de soutien à domicile et avec les auxiliaires qui interviennent auprès d’elles, suggèrent qu’il y a cinq dimensions en particulier qui ressortent quand il s’agit de s’interroger sur le « bien-être » des personnes. Une intervention axée sur la personne devrait ainsi tenir compte, non seulement du « problème » qui se pose sur le plan du corps et de sa fonctionnalité, mais des conditions matérielles de vie et du logement, de l’insertion ou non de la personne dans un réseau de relations, de l’importance pour elle de pouvoir prendre ses propres décisions et du « sens » qu’a sa vie pour elle sur la longue durée (composé de ses souvenirs, de sa vie au temps présent, de son anticipation de moments futurs). Les auxiliaires sont bien placés pour cerner cette globalité, comme nous l’avons pu constater dans une recherche antérieure (McAll et al., 1997), surtout dans la mesure où ils peuvent suivre la personne à travers le temps et qu’ils ont le temps, dans l’intervention, pour investir la dimension sociale de la relation, au-delà des gestes posés.
À part l’intérêt à cerner ces différentes dimensions du bien-être de la personne soutenue à domicile, il y a la question du bien-être de l’auxiliaire comme partie prenante à la relation. Retrouve-t-on des dimensions semblables dans son cas (sur le plan de son propre bien-être), permettant de le saisir pleinement comme un participant dans une relation et pas juste un exécutant de tâches préconçues ? La relation construite entre les personnes pourrait aussi être conçue comme ayant sa propre histoire, sa propre « autonomie », sa propre routine fondée, entre autres choses, sur les rapports corporels et les conditions matérielles dans lesquelles les gestes, souvent d’une grande intimité, sont posés. Comment penser cette relation ? Quelles sont les conditions optimales pour qu’elle puisse être réussie ? Comment réunir ces conditions, le cas échéant ?
Les témoignages des personnes rencontrées en entrevue, qu’elles soient « soutenues » à domicile ou auxiliaires, permettent de cerner ce que le bien-être signifie pour elles, dans ses cinq dimensions – matérielle, relationnelle, corporelle, décisionnelle et temporelle. Chacune de ces dimensions a sa spécificité, mais elles sont aussi intimement reliées sinon indissociables. Or, quand l’intervention néglige une de ces dimensions, la personne n’est pas abordée dans sa « globalité » ou sa pleine humanité. À ces moments, l’intervention peut enfermer la personne dans une catégorie identifiée uniquement par ses besoins, courant le risque de reproduire ainsi une forme de stigmatisation. L’approche globale est la seule qui peut permettre de contrer ce risque et nos résultats suggèrent que les cinq dimensions du bien-être identifiées constituent justement cette « globalité ». La notion « floue » du bien-être trouve ici un ancrage plus concret dans l’expérience des personnes, sans perdre son caractère « subjectif » pour autant. C’est justement dans la convergence des perceptions subjectives que réside notre compréhension du social.
Pour explorer les principaux constats qui émergent de cette recherche :
Crédits capsule audiovisuelle
Cette capsule audiovisuelle a été réalisée dans le but d’illustrer des éléments du rapport Vivre et survivre à domicile : le « bien-être » en cinq dimensions. Elle a été entièrement conçue à partir d’extraits provenant des entrevues réalisées auprès d’aînés et d’auxiliaires de soutien à domicile.
Conception : Mise au jeu, en collaboration avec le CREMIS.
Coordination : Luc Gaudet et Nancy Roberge
Réalisation et montage : Émilie McAll Pinard
Comédiens pour la narration : Anna Beaupré Moulounda, Richard Lemire et Julie Rivard