Le travail ethnographique en contexte médical

Le travail ethnographique dans le milieu de la santé est une méthode de cueillette de données qualitatives de plus en plus valorisée. Cette technique permet d’appréhender la réalité vécue au quotidien par les participants, et de prolonger le regard du chercheur au-delà des récits recueillis par le biais de l’entrevue. Il s’agit d’un moyen de mettre en contexte les informations récoltées dans le but d’arrimer l’analyse des données à la spécificité de l’environnement dans lequel évoluent les répondants. Cette approche est particulièrement intéressante à utiliser dans le cadre de recherches dans le milieu de la santé. Elle permet, dans le cas d’une ethnographie institutionnelle, d’aller au-delà des connaissances liées à la structure et à l’organisation des soins, et d’offrir un regard neuf, directement lié à la spécificité du lieu visité.

La pratique ethnographique traditionnelle est caractérisée par une longue période d’immersion dans un milieu donné. Elle est constituée d’un travail d’exploration qui se fait par le biais de la participation de l’ethnographe aux activités quotidiennes du groupe étudié. Le résultat de ce travail comporte généralement une analyse descriptive du « terrain », ainsi qu’une analyse des phénomènes sociaux et culturels observés (Atkinson et Hammersley, 1994). A priori, cette approche peut sembler difficile à déployer en milieu hospitalier. De fait, plusieurs éléments s’y opposent (Savage, 2006), dont deux enjeux.

Il y a tout d’abord le temps alloué à la collecte de données, qui subit de fortes compressions étant donné la modulation de la recherche par les courtes périodes de subvention. Dans ce contexte, de longues enquêtes dotées d’un volet exploratoire sont difficiles à déployer. La recherche sociale pratiquée en collaboration avec le milieu médical souffre aussi de la pression imposée par la nécessité de transmettre rapidement des résultats. Dans un univers où la technologie et les innovations fusent de toute part, et où les organisations sont en constante mouvance pour pouvoir répondre aux besoins sans cesse grandissants de notre système de santé, décideurs, administrateurs et médecins ne peuvent se permettre d’attendre plusieurs années avant de recevoir des résultats. L’alliance entre la médecine et les sciences sociales en est alors constamment fragilisée.

La force de l’ethnographie étant de pouvoir immerger le chercheur dans un lieu en lui permettant de tisser des liens avec ses acteurs et d’apprendre par « l’intérieur » d’un groupe son fonctionnement, sa logique et ses valeurs, il apparaît impossible de gagner la confiance des interlocuteurs en peu de temps. Sans le développement de liens entre l’ethnographe et les personnes observées, la qualité des informations recueillies est mise en jeu et la sensibilité requise pour bien analyser la complexité des dynamiques relationnelles risque d’être moins vive. Le travail ethnographique demeure donc, malgré la pression du milieu, un travail lent qui demande une flexibilité de temps et d’approche.

L’ethnographie, et plus particulièrement l’observation, est une approche nécessaire pour s’ancrer dans la réalité de la vie d’une clinique de médecine de famille. Elle se définit par sa lenteur et la qualité des informations colligées par le biais de cette méthode de travail. Il est donc nécessaire de protéger le travail de l’ethnographe en contexte médical, tout en adaptant les pratiques traditionnelles à la réalité de la médecine. Il est aussi important de bien préparer l’ethnographe qui s’apprête à explorer les cliniques médicales. L’observation est une activité de recherche passive.

Références

Atkinson, P., Hammersley, M.(1994). « Ethnography and Participant Observation », dansHandbook of qualitative research (first edition), Sage Publication

Bosk, C. (1985). «The Fieldworker as Watcher and Witness», The Hastings Center Report, 15(3):10-14

Savage J. (2006). « Ethnographic evidence : The value of applied ethnography in healthcare», Journal of Research in Nursing, 11(5): 383-392