La surreprésentation des jeunes noirs montréalais

La surreprésentation des membres de minorités ethniques et racisées dans les lieux de détention et dans les centres de réadaptation pour mineurs est documentée depuis longtemps en Amérique du Nord et en Europe. Aux États-Unis, par exemple, le plus récent rapport sur cette question (National Council on Crime, 2007), dont l’analyse porte sur la période 2002 à 2004, a révélé un cumul de désavantages pour les jeunes Noirs. Ces derniers, qui représentent 16% de la population des jeunes de douze à dix-huit ans aux États-Unis, comptent pour 28% des arrêtés et 34% des référés en Cour juvénile (et inculpés). En Angleterre, les jeunes Noirs étaient aussi largement surreprésentés dans le cadre du système de justice pour mineurs en 2001-2002 (Hood et Feilzer, 2004).

Si la situation au Québec comporte des caractéristiques particulières en lien avec l’histoire de l’immigration et l’évolution des rapports entre les francophones et les anglophones, il semble néanmoins y avoir des traits communs avec ce qui se passe ailleurs en ce qui concerne les trajectoires différentielles des jeunes des minorités dans le système de justice pour mineurs. Cependant, aucune étude sur les trajectoires différentielles de jeunes Noirs dans le système pénal juvénile au Québec n’a été entreprise jusqu’à aujourd’hui. La seule étude réalisée dans ce champ de recherche a plutôt porté sur les trajectoires de jeunes Haïtiens dans le système québécois de protection de la jeunesse (Bernard et McAll, 2004).

Le présent article fait état des premiers résultats de notre recherche en cours sur les trajectoires de jeunes Noirs et de jeunes Blancs, dans le système pénal juvénile à Montréal.1,2 Il est consacré à l’analyse quantitative des informations contenues dans un échantillon aléatoire de Demandes d’intenter des procédures provenant des archives des Substituts du Procureur général de la Chambre de la jeunesse de Montréal et portant sur l’année 2001. Étant donné que dans chaque cas d’arrestation, une Demande d’intenter des procédures est adressée par la police au Bureau des Substituts du Procureur général pour les suites procédurales, analyser de telles demandes constitue un des meilleurs moyens pour appréhender le phénomène de l’arrestation.

Les jeunes Noirs présentent-ils des trajectoires différentes de celles des jeunes Blancs dans ce système ? Si oui, sont-ils l’objet de traitement différentiel ?3 Le cas échéant, ces formes de traitement sont-elles discriminatoires (selon la Charte québécoise des droits et libertés) ?4 Plus précisément, en ce qui concerne le premier volet de notre recherche en cours, quelle est la situation de ces jeunes en regard de l’arrestation, constituant la porte d’entrée du système pénal ?

Dans les archives

Dans le contexte montréalais, lors de chaque arrestation d’un jeune, le policier remplit une Demande d’intenter des procédures, sur laquelle il donne un ensemble d’informations sur la nature de l’événement, l’identité des personnes concernées et le comportement de l’accusé lors de l’arrestation. On retrouve, par exemple, des informations sur le sexe de l’accusé, son âge, son pays de naissance, sa fréquentation scolaire, l’heure et la nature du délit, la présence de violence, l’arme utilisée (le cas échéant), l’état du prévenu au moment de l’arrestation par rapport à l’alcool ou à la drogue, son attitude vis-à-vis des policiers (coopération, violence). On indique également si les parents et un avocat ont été contactés, ainsi que le mode de comparution retenu (sommation, mandat ou détention). Le policier doit noter le code postal de l’adresse de résidence de l’accusé et celui de l’endroit où a eu lieu l’arrestation. Parmi les détails fournis, le policier doit aussi indiquer la « race » de l’accusé dans une case conçue à cette fin.

Ces demandes, dûment remplies, deviennent le premier élément dans les dossiers des jeunes constitués par les Substituts du Procureur général dans le cadre de leur démarche d’examen de la preuve pour déterminer s’il y a matière à entamer une poursuite. Quand nous avons eu accès à ces dossiers en 2006 et 2007 à la suite d’un jugement de la Cour, ils étaient entreposés provisoirement dans des boîtes au sous-sol de la Chambre de la jeunesse. La première étape de notre démarche a été de faire l’inventaire de tous les dossiers relevant de l’année 2001.5 Nous avons décidé de choisir, aléatoirement, 100 jeunes Blancs et 100 jeunes Noirs en nous fiant sur la catégorisation « raciale » faite par les policiers lors de l’arrestation. Cette possibilité, qui nous est offerte par la présence, sur la Demande d’intenter des procédures, de la case indiquant la « race » de l’accusé (selon la perception du policier), nous a permis de résoudre le problème de l’identification qui hante maints projets de recherche sur les minorités racisées. Ce qui nous intéresse n’est pas de savoir si le jeune en question est réellement blanc ou noir (ces catégories étant des construits sociaux), mais de savoir ce qu’en pense le policier et de voir s’il y a différence de traitement en fonction de sa propre catégorisation.6 Nous avons choisi comme base de notre échantillon les Demandes d’intenter des procédures retenues par un procureur de la poursuite, en excluant les dossiers non retenus, étant donné notre intérêt à suivre les deux échantillons à travers les procédures subséquentes.7

Après l’étude des 200 dossiers choisis, nous avons constaté que plusieurs dossiers étaient incomplets, ce qui nous a amenés à réduire nos deux échantillons à 91 individus dans le cas des Noirs et à 84 dans le cas des Blancs. Il faut dire aussi que plusieurs de ces jeunes ont été arrêtés plus d’une fois pendant l’année de référence et donc, possédaient deux dossiers ou plus (chaque dossier faisant état d’une arrestation). Les 91 jeunes Noirs échantillonnés possèdent ainsi 128 dossiers, et les 84 jeunes Blancs, 116. Les résultats de ce premier volet de la recherche portent à la fois sur les individus échantillonnés (n=175) et sur les arrestations (n=244).

Des profils différenciés

Nous avons dû, dans un premier temps, trier les dossiers contenus dans les archives afin de séparer les dossiers des Noirs de ceux des Blancs (et les Autres) et aussi de mettre ensemble les dossiers appartenant à une seule personne. Cette opération a été fort complexe et nous a pris plusieurs mois. Par la suite, nous avons pu identifier 1 518 jeunes arrêtés en 2001 sur l’île de Montréal, dont les dossiers ont été retenus à des fins de poursuite. Sur ces 1 518 personnes, 352 (23%) sont identifiés comme Noirs par le policier (selon nos calculs, 340 des Noirs résident sur l’île de Montréal). La catégorie « Blanc » est plus difficile à déchiffrer, étant donné qu’elle comprend la quasi-totalité du reste de l’échantillon (1 154 personnes ou 76%), ne laissant que 1% pour la catégorie « Autre ». La présence de noms à consonance arabe parmi la catégorie « Blanc » suggère que nous sommes face à une certaine dichotomisation des jeunes par la police, où il n’y a que les Noirs d’un côté et les Blancs de l’autre, cette dernière catégorie regroupant, en partie, les Autres.

Le pourcentage de ces jeunes identifiés comme Noirs est plus de deux fois supérieur à leur poids dans la population. Selon Statistique Canada, en 2001, la population des jeunes de 12-18 ans sur l’île de Montréal était de 129 490 personnes, dont 88 890 jeunes Blancs (68,6%) et 13 105 jeunes Noirs (10%). Sans pouvoir comparer ces chiffres de manière exacte (il s’agit d’auto-classification, d’une part, et d’une mise en catégorie faite par un policier, d’autre part), on peut conclure que les jeunes Noirs sont largement surreprésentés parmi les jeunes arrêtés sur l’île de Montréal en 2001 et dont les dossiers ont été retenus par les Substituts du Procureur général.8 Un jeune Noir avait globalement deux fois plus de chances de se trouver dans une telle situation qu’un jeune identifié par un policier comme un « Blanc ».

Si un jeune Noir a deux fois plus de chances d’être arrêté qu’un Blanc (tel que défini par la police) et de voir son dossier retenu par le Procureur de la Couronne, il n’y a pas de différence significative entre nos deux échantillons quant à l’heure de l’événement. Les jeunes Noirs et Blancs se comportent aussi de manière similaire lors de l’arrestation, vu qu’il n’y a pas de différence significative dans l’évaluation que font les policiers des deux groupes au sujet de leur « attitude au moment de l’arrestation ». Il n’y a pas de différence non plus dans l’état des deux catégories de prévenus eu égard à l’alcool ou la drogue, ni en ce qui concerne le type d’arme que le prévenu a dans sa possession (le cas échéant) au moment de l’arrestation.

Par contre, il y a une différence statistiquement significative entre les deux groupes en ce qui a trait à la nature du délit. Tandis que 42,2% des jeunes Noirs sont arrêtés pour des délits contre la personne, la même accusation ne concerne que 26,7% des Blancs.9Ces derniers sont arrêtés plus souvent que les Noirs pour des délits contre la propriété (29,3% contre 17,2% des Noirs).10 Associé à cette différence est le fait que les jeunes Noirs sont davantage arrêtés pour violence physique (40,2% des jeunes Noirs contre 25,9% des jeunes Blancs).11 Les jeunes Noirs sont aussi plus souvent arrêtés avec des complices, plus de la moitié se trouvant dans cette situation (53,7% contre 38,3% des Blancs).12

En ce qui concerne les lieux de résidence des deux catégories de jeunes dans leur ensemble, les jeunes Noirs présentent une plus forte concentration dans Montréal-Nord, Villeray/St-Michel/Parc-Extension et Rivière-des-Prairies/Pointe-aux-Trembles, tandis que la plus forte concentration des jeunes Blancs se trouve dans Mercier/Hochelaga-Maisonneuve et Ahuntsic/Cartierville.

Arrestations multiples vs arrestations uniques

Cette différence entre les deux groupes s’accompagne d’une différence d’âge au moment de l’arrestation, les Noirs ayant en moyenne 15,3 ans et les Blancs 15,9, quoique l’écart type de 2,27 ans du côté des Noirs, contre 1,34 ans du côté des Blancs, indique une distribution plus étendue à travers les groupes d’âge chez les Noirs.13 Si on distingue les jeunes arrêtés une fois seulement pendant l’année (72% des Noirs et 75% des Blancs) de ceux arrêtés deux fois ou plus (28% des Noirs et 25% des Blancs), on constate que la différence d’âge n’est plus significative chez ceux qui ont été arrêtés une fois seulement, mais ressort plus nettement chez ceux qui ont été arrêtés deux fois ou plus. Les Noirs arrêtés deux fois ou plus ont, en moyenne, 15,4 ans et les jeunes Blancs, 16,2.14 En plus, les écarts types sont plus rapprochés (1,4 et 1,07 ans respectivement) suggérant l’existence de deux groupes assez différenciés sur le plan de l’âge quand il s’agit d’arrestations multiples. La différence d’âge provient donc du sous-groupe de jeunes arrêtés deux fois ou plus pendant l’année.

Un autre élément qui s’ajoute à ce profil différencié des jeunes Noirs et Blancs arrêtés plus d’une fois est le fait que les premiers fréquentent davantage l’école que les seconds (70,9% contre 37,7%).15 Il n’y a pas de différence significative à ce chapitre pour les jeunes qui ne sont arrêtés qu’une seule fois pendant l’année. Il y a aussi davantage de filles dans ce groupe d’« arrestations multiples » chez les Noirs. Parmi les jeunes Noirs arrêtés deux fois ou plus, les filles constituent 22,2%, tandis que du côté des Blancs, elles ne représentent que 7,5%.16 Il n’y a pas de différence significative en lien avec le genre entre les Noirs et les Blancs quand il s’agit de jeunes arrêtés une fois seulement pendant l’année, même si, dans l’échantillon global, les filles représentent 19,5% des Noirs et 10,3% des Blancs.17 Ce sont donc les cas d’arrestations multiples qui expliquent la différence significative relative au genre dans l’échantillon global.

Il est à noter qu’il y a une différence significative entre les deux groupes dans les motifs d’arrestation quand il s’agit d’arrestations multiples. Pour 31,75% des jeunes Noirs arrêtés plusieurs fois, la nouvelle arrestation porte sur un bris de probation ou de promesse de comparaître en lien avec le délit initial, tandis que seulement 13,2% des jeunes Blancs arrêtés plusieurs fois sont dans cette situation.18 Ces derniers sont cependant davantage arrêtés pour évasion d’une garde légale (26,4% d’entre eux étant arrêtés pour cette raison, contre 4,9% des Noirs).19 Cette différence entre les deux groupes pourrait s’expliquer par le fait que les jeunes Noirs arrêtés plus d’une fois sont davantage détenus avant comparution (39,3% contre 26,4%)20, vu qu’ils sont arrêtés plus souvent pour bris de probation ou de promesse de comparaître. Les Blancs arrêtés plus d’une fois comparaissent davantage sous mandat (30,2% contre 8,2% pour les Noirs)21 et ont aussi, en moyenne, davantage d’antécédents que les Noirs (3,8 antécédents contre 2,4).22

Un autre trait marquant qui distingue les jeunes Noirs arrêtés plus d’une fois des jeunes Blancs dans la même situation est que les premiers font davantage appel à un avocat, 66,7% d’entre eux contactant un avocat au moment de leur arrestation contre 39,6% des Blancs.23 Il n’y a pas de différence significative à ce chapitre pour les jeunes Noirs et Blancs arrêtés une fois seulement pendant l’année. La différence demeure significative pour les deux groupes dans l’ensemble, mais il s’agit encore une fois de l’effet de la sous-catégorie ayant eu des arrestations multiples.

Il est à noter que parmi les jeunes Noirs arrêtés plus d’une fois, un jeune sur quatre est arrêté dans son quartier de résidence (23%) tandis que, du côté des Blancs, il ne s’agit que d’un jeune sur huit (12%).

Discussion

Ces résultats démontrent que la situation d’un jeune Noir à Montréal en 2001, en ce qui concerne la surreprésentation à la porte du système, est comparable à la situation aux États-Unis. Comme nous l’avons mentionné précédemment, aux États-Unis, en 2004-2006, les jeunes Noirs représentaient 16% de la population des jeunes et 34% des référés en cour juvénile (et inculpés). Or, selon le recensement de 2001, les jeunes Noirs représentent 10% de la population de 12 à 18 ans résidant sur l’île de Montréal. Selon nos calculs, les jeunes Noirs résidant sur l’île de Montréal du même groupe d’âge et dans la même année constituent 22,4% (340 sur 1 518) des jeunes dont les dossiers sont retenus par le procureur.

À Montréal, le taux de surreprésentation des jeunes Noirs est ainsi de 2,24 fois leur poids dans la population, contrairement à 2,12 fois pour les jeunes Noirs aux États-Unis. On pourrait même conclure, sur ce plan, qu’il vaut mieux être un jeune Noir américain qu’un jeune Noir montréalais. Mais, il faut aussi tenir compte du pourcentage de l’ensemble des jeunes Noirs de la population qui sont arrêtés et poursuivis en justice dans une année donnée. Aux États-Unis en 2003, 9,6 jeunes Noirs sur 100 (presque 1/10) se trouvent dans cette situation, contre 4,3% des jeunes Blancs  (National Council on Crime, 2007). Sur l’île de Montréal, en 2001, le chiffre comparable est de 2,6 jeunes Noirs sur 100, ce qui veut dire qu’un jeune Noir a presque quatre fois plus de chances d’être arrêté et poursuivi aux États-Unis qu’à Montréal. Il vaut mieux y penser par deux fois avant de traverser la frontière.

Si on regarde de plus près nos résultats, on peut constater que les jeunes Noirs et Blancs se distinguent sur certains plans, ce qui peut donner des indices afin d’expliquer la surreprésentation. Dans l’échantillon global, par exemple, les Noirs sont davantage arrêtés pour des délits contre la personne (comportant de la violence). Ils sont aussi arrêtés plus souvent avec des complices, ce qui peut, en soi, augmenter le nombre d’arrestations. Les jeunes Blancs agissent davantage seuls et sont plus souvent arrêtés pour des atteintes à la propriété.

Comme nous l’avons vu, ce portrait différentiel émerge plus clairement chez la sous-catégorie des jeunes Noirs et Blancs arrêtés plus d’une fois pendant l’année (28% des jeunes Noirs et 25% des jeunes Blancs). Dans ce cas, les Noirs sont nettement plus jeunes, fréquentent davantage l’école, comportent trois fois plus de filles dans leurs rangs, ont deux fois plus de chances d’être arrêtés dans leur quartier de résidence, sont arrêtés plus souvent pour bris de promesse (de comparaître) et contactent davantage un avocat lors de leur arrestation.

On pourrait conclure que la différence entre les deux groupes relève en partie d’un type d’événement qui arrive plus souvent chez les jeunes Noirs, où les garçons et les filles sont dans une relation conflictuelle récurrente, soit entre eux, soit avec la police dans leur quartier de résidence. Il y aurait donc une « criminalité » ordinaire où ils ne se distinguent pas des jeunes Blancs et un type événement particulier plus localisé, plus collectif et plus « violent » qui les distingue et qui pourrait expliquer, en partie, le fait qu’ils ont deux fois plus de chances d’être arrêtés et de voir l’accusation retenue contre eux.

Il y aurait donc une dynamique particulière qui sous-tend ces résultats. On peut constater ce qui semble être un resserrement plus tôt et plus étroit des mailles du filet du système de contrôle social autour des jeunes Noirs. D’ailleurs, la mise en catégorie par les policiers sur les Demandes d’intenter des procédures semble traduire une dichotomisation de la population des jeunes, avec les « Noirs » d’un côté et les « Blancs » de l’autre, cette dernière catégorie semblant correspondre parfois à « non-Noir ». Ces résultats permettent d’établir un profil différentiel qui, sous certains aspects, semble discriminatoire dans le sens de la Charte des droits. Par exemple, les jeunes Noirs sont davantage détenus avant comparution, ce qui indique que non seulement la police sollicite davantage de détention pour les Noirs après leur arrestation, mais que cette demande est davantage agréée par les Délégués à la jeunesse. Cependant, comme nous l’avons remarqué plus haut, cette différence n’est significative que dans le cas des jeunes arrêtés plus d’une fois. Or, dans le cas des jeunes Noirs, la deuxième ou la troisième arrestation survient – plus souvent que dans le cas des Blancs – pour un bris de promesse (de comparaître), ce qui pourrait motiver la détention avant comparution par la suite.

Avant de conclure à la discrimination ou à des événements reliés à la présence de « gangs » sur le territoire, ces résultats demandent à être approfondis. Une des pistes que nous explorons actuellement concerne la surconcentration des ressources policières dans certains quartiers et vis-à-vis de certaines populations – surconcentration dont les effets pervers ressortent depuis longtemps dans la littérature européenne et nord-américaine (Chantraine 2003 ; Cooper 1980). Dans un environnement où réside une masse critique de jeunes de minorités ethniques ou racisées, leur « proximité » avec la police peut conduire davantage à la judiciarisation, notamment à travers des événements produits dans le rapport entre jeunes et policiers. Dans la phase du projet en cours, nous examinons de plus près cette hypothèse (parmi d’autres) à travers les événements tels que décrits dans les Demandes d’intenter des procédures.

Notes

1 Les auteurs expriment leur reconnaissance à Illionor Louis, étudiant au doctorat en sociologie à l’Université de Montréal, qui a joué un rôle important dans la constitution initiale des échantillons et à Catherine Latendresse pour son soutien technique.

2 Cette recherche, menée par Bernard et McAll, est subventionnée par le Conseil de la Recherche en Sciences Humaines du Canada.

3 Le « traitement différentiel » peut être défini comme une pratique différente dont un groupe est l’objet par rapport à un autre dans des circonstances semblables (Farnworth et Horan, 1980).

4 L’article 10 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne stipule que la discrimination a lieu lorsqu’une distinction, exclusion ou préférence fondée sur la « race », la « couleur », l’origine « ethnique ou nationale » la « condition sociale », a pour effet de « détruire ou de compromettre » le droit de toute personne « à la reconnaissance et à l’exercice en pleine égalité, des droits et libertés de la personne ». Juridiquement, il y a discrimination « indirecte » lorsqu’une règle, en apparence neutre, produit des résultats inégalitaires entre deux groupes (Bosset, 1989).

5 Le choix de l’année 2001 est motivé à la fois par l’existence pour l’année en question des données du recensement de Statistique Canada et des Statistiques du Programme de déclaration uniforme de la criminalité de Statistique Canada ainsi que du Profil socio-économique par arrondissement tracé par la Ville de Montréal. Enfin, relevons que la loi en vigueur en 2001, est la Loi sur les jeunes contrevenants (LJC). Pour une vue historique de la justice des mineurs au Québec, voir Trépanier (1987).

6 La « race » des jeunes est désignée par les lettres D pour les Noirs et B pour les Blancs (ou par les mots Noir et Blanc) et par la lettre Z pour les Autres.

7 Nous avons ainsi écarté les dossiers non retenus qui sont dirigés par le Bureau des Substituts du Procureur général vers le Directeur provincial pour y subir une Évaluation-Orientation (cas non-judiciarisés) ou pour lesquels une décision de libération inconditionnelle a été rendue. Cette décision de notre part nous prive d’informations sur la représentation des Blancs et des Noirs parmi ces deux catégories non-retenues, mais nous ne pouvions pas faire marche arrière étant donné la destruction systématique des dossiers archivés après une certaine période de temps.

8 La vaste majorité des jeunes de notre échantillon réside sur l’île de Montréal. Il n’y a que six cas sur 175 qui résident à l’extérieur de l’île.

9 *p≤0,05.

10 *p≤0,05.

11 *p≤0,05.

12 *p≤0,05.

13 **p≤0,01.

14 ***p≤0,001.

15 **p≤0,01.

16 *p≤0,05.

17 *p≤0,05.

18 *p≤0,05

19 **p≤0,01

20 **p≤0,01.

21 **p≤0,01.

22 *p≤0.05. L’écart type pour les Noirs étant de 3,23 antécédents et pour les Blancs, 3,73.

23 *p≤0,05.

Références

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