De nombreuses initiatives étudiantes récentes montrent que les étudiant-es en design et en architecture réclament une meilleure intégration de la diversité des expériences humaines à l’enseignement qui leur est offert, traditionnellement axé sur des aspects techniques ou stylistiques. L’enseignement actuel de l’architecture et du design repose sur l’idée que la pratique professionnelle doit être basée sur des connaissances théoriques, et construit son cursus autour de l’atelier, comme une colonne vertébrale liant l’ensemble des cours. La réalisation de projets de conception complets est ainsi perçue comme étant le moment optimal permettant de synthétiser les connaissances techniques et théoriques apprises.
Néanmoins, certains biais orientent les savoirs théoriques discutés et les préoccupations prioritaires en ateliers. Par exemple, les approches inclusives sont souvent comprises comme quelque chose d’important, mais pouvant être étudié en dehors des projets d’ateliers, où la compréhension soi-disant complète du design est supposée être atteinte. Ainsi, les initiatives liées à l’inclusion se limitent souvent à l’ajustement des cours d’histoire et de théorie, par exemple afin de mieux représenter la diversité raciale et de genre des personnes pratiquant le design et l’architecture, ou à la révision des pratiques telles que la sélection des personnes invitées à donner des conférences. Bien que cela soit certainement important et réponde en partie à de nombreuses critiques exprimées au cours des dernières décennies (Anthony, 2002; Dutton, 1991; Groat et Ahrentzen, 1996; Gürel et Anthony, 2006; Zipf, 2016), on peut avoir l’impression que les questions de diversité et d’inclusion peuvent être mises dans leur propre petite boîte, en dehors de l’aspect « le plus important » de l’enseignement du design : le projet d’atelier.
Comment réintégrer ces questions, d’une manière à la fois explicite quant à ses objectifs et suffisamment large pour qu’une diversité de personnes — y compris celles qui ne s’y intéressent pas — apprennent de l’expérience? S’inspirant d’autres éducateurs-trices qui ont cherché à explorer le rôle que peuvent jouer les ateliers dans la mise en lumière des préjugés raciaux et sexistes dans les professions du design ainsi que dans l’exploration du rôle des designers comme agent-es de changement (Bell, 2015; Lange et Scott, 2017), cet article présente l’intégration de pédagogies inclusives à une série d’ateliers de design développés en collaboration avec différents organismes de soutien aux personnes en situation d’itinérance. Les réflexions présentées reposent sur des observations d’interactions en classe et sur des retours d’information obtenus par le biais de questionnaires et de discussions en classe avec les 34 étudiant-es ayant participé aux ateliers. La réflexion s’appuie aussi sur des entretiens réalisés avec quatorze éducateurs-trices en design et architecture ayant développé des approches queers et féministes dans leur enseignement.
Explorations
Ancré dans une tradition de formation d’apprenti, l’atelier en architecture ou en design d’intérieur est une forme d’enseignement où un groupe d’étudiant-es, généralement une quinzaine, travaille en classe sur un projet de conception pendant 5 à 10 heures par semaine, avec un suivi individualisé assuré par l’enseignant-e. À quelques reprises pendant la session, des présentations de projet ont lieu devant un jury de professionnel-les invité-es. L’approche pédagogique reproduit ainsi le modèle d’une pratique traditionnelle d’architecture où un-e concepteur-trice principal-e supervise une équipe. Avec le temps, les ateliers ont évolué vers deux grandes formules : l’atelier « pratique », souvent autour d’une typologie (habitation, institutionnel, etc.) ou d’un apprentissage technique (par exemple l’intégration de stratégies liées au développement durable), et l’atelier « de recherche », intégrant une réflexion critique plus poussée sur la pratique ou les contextes d’intervention. Alors que les ateliers pratiques sont habituellement obligatoires dans le cursus, les ateliers de recherche sont souvent optionnels ou offerts au choix parmi une série de thématiques, permettant aux étudiant-es — et aux enseignant-es encadrant ces ateliers — d’explorer des sujets les intéressant particulièrement. Dans la plupart des cas, quel que soit le type d’atelier, le projet proposé par l’enseignant-e est un projet fictif rejoignant ses intérêts de recherche ou s’inscrivant dans les objectifs du programme. L’enseignant-e agit ainsi à la fois comme client-e et comme évaluateur-trice du projet, maintenant une cohérence entre les différentes demandes faites aux étudiant-es. Cette cohérence ne reflète cependant pas les demandes contradictoires qui marquent les projets réalisés dans la pratique professionnelle.
Lors de mon embauche comme professeur, on m’a offert de développer un atelier pour des étudiant-es terminant une année préparatoire à des études supérieures en architecture d’intérieur. Cet atelier m’offrait l’opportunité de mobiliser mes recherches précédentes sur les pédagogies féministes et queers en design et architecture1 où j’avais démontré que, pour les éducateurs-trices voulant aborder les questions de genre et de sexualité dans le design, il apparaissait souvent plus facile d’aborder ces questions de manière théorique en cours magistral ou en séminaire que dans l’application pratique en atelier (Vallerand, 2019; 2021). Quelques éducateurs-trices m’avaient alors mentionné avoir essayé d’aborder la diversité dans des ateliers obligatoires — plutôt que de garder de tels thèmes pour des ateliers optionnels — mais avoir souvent fait face à des réactions négatives de la part des étudiant-es. Par exemple, des éducatrices ayant proposé comme projet un refuge pour femmes victimes de violence — un sujet perçu comme « féministe » — ont fait face à des étudiants ayant demandé au directeur du programme de les changer d’atelier, en utilisant des arguments comme le fait qu’ils étaient obligés de travailler sur un « sujet niché » qui n’était pas lié à l’architecture, même si les éducatrices s’évertuaient à souligner qu’il était important d’apprendre à travailler avec une diversité de personnes et qu’il ne serait pas toujours possible de choisir leurs projets professionnels en fonction de ce qui les intéresse personnellement. Bien que ces obstacles rendent certainement difficile la tâche d’intégrer la diversité dans les ateliers de design, cela me semblait une occasion manquée d’ouvrir les discussions sur le genre et la sexualité au-delà des présentations magistrales. Le design et l’architecture visant la création d’environnements sains pour l’ensemble des personnes les utilisant, il m’apparaissait essentiel d’aborder ces questions en atelier obligatoire. Heureusement, contrairement à d’autres enseignant-es, j’avais le soutien de ma direction, qui tenait elle aussi à ce que soient rejoint-es celles et ceux moins enclin-es à considérer l’importance de ces questions pour leur formation.
Intrinsèquement et explicitement liée à (un manque d’accès à) une certaine forme d’environnement bâti, l’itinérance me semblait être un point d’entrée approprié pour explorer dans un contexte d’atelier le rôle des architectes et designers dans la création d’environnements inclusifs ou hostiles. Il s’agissait aussi d’une excellente occasion d’amener les étudiant-es à réfléchir aux enjeux éthiques liés à la conception d’environnements pour des populations marginalisées qui ont souvent perdu l’habitude de vivre dans des habitations traditionnelles, et dont la voix n’est que rarement écoutée dans les discussions autour de la conception de l’espace urbain, malgré leur compréhension souvent nuancée de l’occupation de la ville. Le genre, l’orientation sexuelle et l’identité de genre croisant à bien des égards l’itinérance, le projet me permettait d’intégrer à mon enseignement pratique mes recherches précédentes sur ces thèmes. De plus, l’itinérance est aussi une question qui peut rassembler les praticien-nes à toutes les échelles du cadre bâti, du choix d’un quartier à la sélection des matériaux, comme le montre l’intérêt grandissant des praticien-nes du design et des chercheur-ses, par exemple à travers l’approche de la conception tenant compte des traumatismes (Berens, 2015; Dickinson, 2015; Pable et al., 2021).
Jusqu’à maintenant, l’atelier a eu lieu à quatre reprises dans deux universités. Lors de la première itération, les étudiant-es pouvaient se concentrer sur un groupe de personnes en situation d’itinérance de leur choix (par exemple, les femmes, les jeunes ou les personnes âgées). À partir du second atelier, en m’inspirant d’autres expériences pédagogiques de projets de conception-construction ou de live projects (Borges et al., 2018; Dodd et al., 2012; Harriss et Widder, 2014), j’ai choisi de m’allier à des partenaires communautaires qui cherchaient de l’aide afin de définir leurs besoins spatiaux futurs et d’estimer ou de recueillir les fonds nécessaires à de nouveaux espaces. La deuxième année, chaque étudiant-e a ainsi conçu un espace pour un groupe communautaire venant en aide aux migrant-es LGBTQ en situation d’itinérance ou récemment arrivé-es dans la région. La troisième année, nous avons collaboré avec une organisation travaillant avec des personnes de 55 ans et plus en situation d’itinérance, pour concevoir un nouveau centre de jour. Les étudiant-es pouvaient également décider d’explorer comment le même espace serait conçu pour un autre groupe de personnes en situation d’itinérance. Lors de la quatrième itération, les étudiantes devaient se concentrer sur un espace de leur choix à l’intérieur d’un organisme offrant un hébergement de courte durée à des jeunes en situation d’itinérance ou de précarité résidentielle. La collaboration avec des organismes permet ainsi d’ancrer le travail des étudiant-es dans des besoins réels, identifiés lors de discussions avec des intervenant-es et des personnes utilisant leurs services, et de les engager dans une réflexion sur l’éthique des projets réalisés avec des organismes communautaires ou des populations marginalisées. En tenant compte des ressources financières et humaines limitées des organismes, les étudiant-es doivent réfléchir aux défis, à la fois éthiques et esthétiques, de concevoir des projets pour de vraies personnes.
Apprentissages et défis
Les projets d’atelier en architecture et design d’intérieur sont habituellement évalués par un jury de professionnel-les. Dans ce cas-ci, les étudiant-es présentent plutôt leur travail dans un format basé sur une discussion collaborative avec des représentant-es des organismes (administrateurs-trices, intervenant-es et participant-es) et des professionnel-les de l’aménagement ayant déjà de l’expérience en conception pour les personnes en situation d’itinérance, afin de profiter de connaissances expérientielles dans l’évaluation et l’amélioration des projets. De manière similaire à l’expérience d’autres éducateurs-trices (Martin et Casault, 2005), le format participatif de l’atelier suscite parfois de l’anxiété chez les étudiant-es qui, bien qu’ils et elles n’aient pas encore achevé leurs études, sont déjà bien conscient-es des traditions pédagogiques accordant de l’importance à l’avis des juré-es invité-es. Ces juré-es sont des professionnel-les, mais n’ont pas nécessairement une expérience directe avec les populations qui utiliseront les projets, ce qui amène souvent une priorisation de l’esthétique et des attendus fonctionnels, basés sur des préconceptions, plutôt que sur des recherches et discussions avec les personnes qui utiliseront l’espace. Plusieurs étudiant-es expriment explicitement leur crainte selon laquelle, en écoutant trop attentivement les besoins et les préférences exprimés par les participant-es ou intervenant-es, ils et elles obtiennent une note inférieure, basée sur de moins bons commentaires de membres du jury. Le travail de l’enseignant-e devient donc ici un travail de déconstruction des attentes liées au projet de design, et de remise en question des normes de la profession.
Pour les éducateurs-trices souhaitant mettre la responsabilité éthique au premier plan des exercices en atelier, il devient ainsi nécessaire de travailler constamment avec les étudiant-es à une réflexion sur les défis éthiques liés à l’intégration au processus de conception des personnes qui utiliseront l’espace. Ce défi de comprendre « l’autre » et de placer les personnes au sommet des priorités de conception, comme partie intégrante de la conception plutôt que comme préoccupation s’ajoutant à la fin du processus, nécessite parfois de mettre les étudiant-es dans des situations auxquelles ils et elles ne sont pas habitué-es.
Dans le cas précis de cet atelier, les étudiant-es ont presque unanimement salué les visites aux organismes avec lesquels nous travaillions comme des expériences devenues essentielles à leur processus de conception. « Notre visite [de l’organisme] et la rencontre avec les jeunes et les intervenants ont été des moments forts de ce trimestre, et certainement aussi de notre vie de designers. En effet, nous sommes allés bien au-delà de nos habitudes et des projets fictionnels. », mentionne ainsi une étudiante. Ils et elles ont identifié un « avant » et un « après » dans leur façon de penser au projet, en partie parce qu’ils et elles en savaient peu sur l’itinérance avant, ou avaient des idées non fondées sur les espaces pour les personnes en situation d’itinérance, mais aussi et surtout en raison de la réaction émotionnelle que beaucoup d’entre elles et eux ont eue lors de rencontres avec des personnes en situation d’itinérance. Les étudiant-es ont été impressionné-es par la résilience de ce public, mais aussi par leur profonde compréhension de l’environnement bâti et de l’impact de ces espaces sur leur vie.
Si, dans un premier temps, les étudiant-es ont compris la visite comme « juste une autre » visite de site, ils et elles ont ensuite souligné que le fait d’observer de « vraies personnes » interagir avec l’environnement bâti et de discuter avec elles leur offrait une idée plus précise non seulement des destinataires de leurs travaux de conception, mais aussi de l’importance de prendre en compte leurs besoins et leurs préférences esthétiques pour favoriser la création d’environnements plus confortables et apaisants.
De plus, les étudiant-es ont déclaré avoir été surpris-es par la connaissance et la compréhension approfondies que de nombreux administrateurs-trices et intervenant-es avaient du design en tant qu’outil de guérison et de l’impact des réglementations de construction sur l’accès des personnes aux espaces résidentiels, mais aussi des liens entre les différentes disciplines. « En échangeant avec les intervenants de [l’organisme], nous avons réalisé que nos métiers avaient des points communs, notamment avec l’empathie et la volonté d’améliorer le quotidien des jeunes », souligne une étudiante. « Cette expérience nous a fait réaliser l’importance de se mettre à la place des usagers, d’entrer en contact avec eux, d’entrer en contact avec leur quotidien pour pouvoir proposer des solutions plus efficaces, plus humaines. »2.
Outre les partenariats communautaires, l’atelier a également offert une opportunité d’échanges et d’apprentissages au sein de l’université : des professeur-es de travail social et de santé publique ont par exemple été invité-es à partager des recherches sur l’itinérance et à participer à des présentations de projets. Ces échanges permettent aux étudiant-es d’être mis-es en contact avec des questionnements autres que ceux issus de l’architecture et du design, amenant un regard critique sur des enjeux sociaux qui sont parfois ignorés par les professionnel-les du design ayant plutôt appris à se concentrer sur des aspects formels ou fonctionnels sur un plan technique. Des échanges avec des étudiant-es de maîtrise ou de doctorat en design et en travail social ont également été intégrés à l’atelier afin, là aussi, de multiplier les points de vue sur l’aménagement de l’environnement bâti3.
En tant qu’éducateur, l’atelier est aussi un défi à différents niveaux. L’un de ces défis consiste à trouver un projet suffisamment complexe pour un niveau d’études supérieures, en attribuant un projet « réel » même s’il peut sembler trop petit pour un cours. Par exemple, pour la troisième itération, l’organisme avec lequel nous nous sommes associé-es ne cherchait initialement que des suggestions pour transformer le salon de leur centre de jour, un tout petit projet d’un point de vue pédagogique. L’exercice de conception est ainsi devenu l’occasion pour les étudiant-es de réfléchir aux besoins exprimés par l’organisme, d’aller au-delà pour suggérer des changements potentiels à plus grande échelle, tout en gardant à l’esprit le besoin initial et les ressources financières de l’organisme.
L’équilibre entre les implications éthiques du travail avec les communautés et les besoins pédagogiques d’un programme de design reste toujours délicat : comment est-il possible d’impliquer les partenaires communautaires d’une manière dont ils et elles peuvent tirer profit et qui ne submerge pas leurs ressources déjà limitées, tout en veillant à la formation adéquate des étudiant-es? Si leur implication est trop limitée, les discussions avec les étudiant-es sur l’importance de cet engagement et des démarches participatives peuvent sembler forcées et contradictoires avec l’implication réelle mise en œuvre. En revanche, en considérant que les étudiant-es sont encore en formation et que les projets « livrés » ne pourront donc pas être directement construits, les organismes doivent comprendre les limites de ce à quoi ils peuvent s’attendre. Le caractère plus exploratoire de certaines des propositions peut aussi parfois créer des tensions si les attentes n’ont pas bien été cadrées. De plus, lors de recherches précédentes, d’autres professeur-es ont souligné le risque que de tels ateliers ou d’autres services pro bono dévaluent aux yeux des client-es le travail de conception, en offrant des services gratuits sans bien expliquer le caractère inhabituel de l’expérience. Pour éviter cela, des discussions autour des limites du contexte universitaire doivent être maintenues ouvertes tout au long du projet, tant avec les partenaires qu’avec les étudiant-es. Les différentes itérations de l’atelier ont d’ailleurs été marquées par ce défi, amplifié par les interruptions de processus liés à la pandémie de COVID-19. Ainsi, seule la dernière itération a été pleinement réussie du point de vue de la réponse aux attentes de l’organisme, qui a d’ailleurs recommandé l’expérience à plusieurs autres organismes.
Conciliations
Les commentaires des étudiant-es mettent en évidence les opportunités et les défis d’ateliers engagés dans la communauté. L’aspect « problèmes du monde réel » de l’atelier semble intéresser particulièrement les étudiant-es des cycles supérieurs ayant précédemment étudié dans des disciplines autres que le design, telles que le travail social et la politique, mais presque tous-tes saluent l’opportunité de réfléchir à l’impact que leurs propositions pourraient avoir sur les gens, un élément moins développé lorsque les ateliers se concentrent sur des projets fictifs. Plusieurs étudiant-es émettent d’ailleurs le souhait d’être familiarisé-es avec de telles approches participatives plus tôt dans leur parcours universitaire, le désir de travailler encore plus activement avec les organismes, ou de continuer le projet au-delà de l’atelier. Travailler avec des organismes communautaires et rencontrer les personnes qui utiliseront potentiellement les environnements conçus pose cependant des défis aux étudiant-es. Poussé-es à développer une humilité dans la réflexion sur leur expertise, ils et elles ont parfois eu de la difficulté à concilier l’orientation éthique de cet atelier avec les priorités esthétiques explorées dans d’autres cours.
Les questions soulevées pendant l’atelier soulignent l’importance de l’éthique dans le processus de conception et, par extension, dans l’enseignement du design. Je ne suis évidemment pas le premier à exprimer l’importance d’une pratique éthique du design et de l’architecture (Fisher, 2015), mais la question, tout comme celle de la relation entre enjeux sociaux et environnement bâti, semble malheureusement disparaître cycliquement dans les discours autour du design et de l’architecture. Alors que la conscience publique se penche à nouveau sur ces sujets ces dernières années, la diversité et l’inclusion semblent enfin prendre une place plus importante dans les discussions autour de l’environnement bâti, mais nous devons rester prudent-es quant à la manière dont ces discussions sont menées. Dans l’atelier présenté ici, l’un des thèmes les plus importants abordés avec les étudiant-es est la réflexion sur les raisons pour lesquelles nous faisons ce que nous faisons. Pourquoi parlons-nous (ou pas) de diversité et d’inclusion dans le design? Pourquoi prenons-nous certaines décisions? Pour qui prenons-nous ces décisions? Dans les réponses des étudiant-es à ces questions, j’entends souvent une compréhension profonde et critique de l’impact de leur future profession… mais aussi des limites de celle-ci, liées entre autres à l’importance que joue l’environnement bâti dans la société. Je les entends très rarement exprimer naïvement qu’ils et elles vont changer le monde à travers leurs projets. Ce que j’entends plutôt, c’est une compréhension du mal que certains environnements créent et un désir de faire attention à ne pas répéter certaines de ces erreurs.
Et surtout, j’entends que les étudiant-es croient que les éducateurs-trices devraient — et peuvent — faire plus pour les amener à réfléchir à ces questions. Ils et elles nous mettent au défi de leur demander dès leur premier jour d’apprentissage du design comment ils et elles peuvent créer des espaces plus inclusifs, nous exhortent à leur présenter des exemples du passé et d’aujourd’hui dans lesquels ils et elles se reconnaissent, et nous invitent à faire écho à l’interdisciplinarité des meilleur-es praticien-nes travaillant aujourd’hui, en intégrant des professionnel-les et des universitaires d’autres disciplines dans notre enseignement. L’expérience présentée dans cet article donne, je l’espère, des pistes qui soulignent cette importance d’intégrer l’éthique aux enseignements pratiques en design et de stimuler la créativité des étudiant-es, non seulement par des commandes axées sur une vision prospective, mais aussi par un ancrage dans des situations existantes et par une compréhension des communautés dans lesquelles ils et elles auront à intervenir. En choisissant avec attention les organismes avec lesquels travailler et en étant transparent-e sur les objectifs, tant avec les organismes qu’avec les étudiant-es, il devient possible d’intégrer à la réalisation de projets esthétiquement intéressants le développement de compétences, tant dans les aspects techniques, que dans les processus de conception participative. Finalement, afin de maximiser l’impact de tels ateliers tout en travaillant avec les contraintes du calendrier universitaire, des projets qui s’inscrivent dans des démarches de collaboration continue avec les organismes permettent de développer les propositions des étudiant-es au-delà des idées, vers des changements concrets dans les locaux des organismes et dans l’environnement urbain.