Salon d’honneur de la Mairie de Grenoble, 24 octobre 2014. Environ 200 personnes sont rassemblées pour la journée, se faisant assigner un siège bien précis dans cette grande salle qui sera le théâtre d’un évènement plutôt inhabituel. Issues des milieux universitaire, municipal, associatif et militant, elles viennent assister au colloque qui clôture le 15e Atelier International de Recherche et d’Actions sur les inégalités sociales et les discriminations. Les participants et participantes à l’Atelier se lancent dans l’animation de ce colloque rendant compte des travaux réalisés au cours de quatre jours de séances de travail intensives. Retour sur cette 15e édition de l’Atelier.
L’automne dernier, une délégation québécoise s’envole vers Grenoble, se lançant dans une aventure en bonne partie imprévisible et pour le moins déstabilisante. Du 20 au 24 octobre, se sont réunis à la Maison des associations de la Ville de Grenoble, des chercheurs, des intervenants sociaux et de santé, des travailleurs pairs, des représentants d’usagers, des militants et des responsables institutionnels et politiques – 48 personnes en tout – venant principalement de la France et du Québec.
Ce groupe a participé à quatre jours de séances intensives de travail sur la question des inégalités sociales et du recours aux soins et aux services sociaux. Plus spécifiquement, ce sont les problématiques de l’accompagnement et de la reconnaissance des personnes, des formes de non-recours aux services, aides et dispositifs, qui ont été abordées au fil de ces séances. L’objectif était de permettre aux participants d’échanger à partir de leurs expériences et savoirs, de se pencher sur des initiatives porteuses soutenues par les personnes présentes, d’identifier les freins auxquels les acteurs sont confrontés et de mieux comprendre les enseignements tirés de la recherche. La formule de séances intensives de travail visait à créer un environnement immersif favorisant le développement de liens entre les participants. Ces quatre jours ont été l’occasion pour les personnes présentes de s’interroger collectivement sur leurs pratiques, dans une démarche de croisement des savoirs propres aux habitudes du CREMIS.
En effet, depuis 2003, le CREMIS a organisé une série d’ateliers internationaux, en France et au Québec – ateliers qui réunit des participants francophones de différents horizons. Lieu de rencontres, d’échanges et de réflexion, les ateliers portaient à l’origine sur la question du racisme. Au fil du temps, la thématique s’est élargie afin de prendre en compte les multiples formes de discrimination traversant les différentes sphères de la vie sociale. Ce regard plus global proposé dans le cadre des ateliers récents rejoint les axes de la programmation du CREMIS. À partir de 2009, les ateliers ont été organisés en alternance au Québec et en France, principalement à Lille, en partenariat avec l’Association CLÉ Nord-Pas-de-Calais. Dans la continuité d’un partenariat de longue date entre le CREMIS et l’équipe de l’Observatoire des non-recours aux droits et services (ODENORE),1 l’édition 2014 de l’Atelier s’est déroulé à Grenoble.2
Pratiques en question
Quels sont les pratiques et rapports marqués par les discriminations et producteurs d’inégalités que nous pouvons identifier dans nos milieux respectifs ? En quoi consistent ces pratiques/rapports ? Comment les expliquer ? Quels sont leurs impacts sur les personnes ? Jusqu’à quel point les soins de santé et les services sociaux reproduisent-ils ces rapports ? Quels liens peut-on faire entre le non-recours aux soins et aux services et les inégalités sociales ? Autant de questions qui ont sous-tendu les échanges du premier jour de l’atelier.
Les deuxième et troisième jours ont été l’occasion d’aborder le thème des « Pratiques d’accompagnement et de reconnaissance ». En partant d’exemples concrets, les participants ont développé moult réflexions à partir des questionnements suivants : Quelles pratiques développées dans nos milieux sont prometteuses pour réduire les discriminations/inégalités et améliorer l’accès aux soins et aux services ? En quoi consistent ces pratiques ? Qu’est-ce que l’on sait de leurs impacts sur les populations concernées ? Quelles sont les conditions qui ont permis leur mise en place ? Quels ont été les obstacles rencontrés ? Comment ces derniers ont-ils été surmontés, le cas échéant ? Jusqu’à quel point ces pratiques ont-elles intégré la participation citoyenne (c’est-à-dire, des pratiques de prise de parole, de co-construction de savoirs et pratiques, de partage de connaissances) ? Si oui, en quoi consistent ces dernières pratiques ?
Le quatrième jour a permis de s’approprier et de bonifier collectivement un travail de synthèse réalisé par l’équipe d’animation afin de préparer le colloque de clôture du lendemain.
Thèmes
Au fil des séances de travail, vingt-six pratiques ont été décrites et analysées, permettant d’aborder une multitude de champs, allant de la santé mentale à l’intervention en milieu scolaire, en passant par l’itinérance, la toxicomanie et le handicap, pour ne nommer que ceux-là. Quatre thèmes généraux ressortent des échanges autour des pratiques et ont été retenus afin de structurer le colloque de clôture.
Un premier thème met en tension des pratiques d’étiquetage ou de mise en catégorie qui tendent à infantiliser les personnes, tout en les réduisant à leur « problème » ou à leur « maladie », et des pratiques fondées sur la reconnaissance qui permettent d’aborder les personnes dans leur globalité.
Les pratiques administratives et organisationnelles ont constitué le deuxième thème retenu. Elles ont permis d’identifier un continuum allant de la « rigidité» organisationnelle, qui se pose comme un frein dans l’accès aux soins et aux services, à la «souplesse» qu’on retrouve dans les organisations ouvertes au changement, à se mettre en réseau, à «aller vers» les personnes qu’elles souhaitent rejoindre en s’adaptant à leurs besoins.
Un troisième thème s’articule autour de la hiérarchisation des savoirs et de l’écoute portée à ces différents savoirs, notamment ceux issus de l’expérience. Les pratiques qui permettent de mieux saisir l’impact de la participation des pairs sur un accès adéquat aux soins et services ont été au cœur de ce thème, de même que celles adoptant une posture de co-construction, fondée notamment sur la participation citoyenne. En quatrième lieu, les échanges ont mené à réfléchir et à débattre des dimensions politiques des différentes pratiques abordées.
Tribunal
Pour clore ce quinzième atelier, un public élargi a été convoqué à la Mairie de Grenoble pour débattre des thèmes retenus. Cette journée a pris la forme d’un Tribunal populaire des droits devant lequel les participants à l’atelier ont été appelés à témoigner. Différentes pratiques ont été présentées au public. Dans une mise en scène préparée par les participants à l’atelier, deux d’entre eux se sont prêtés au jeu d’incarner l’avocat de la défense et le procureur devant interroger tour à tour les participants, afin de faire ressortir les atouts et limites des pratiques abordées. Le public, réparti en sous-groupes, a été invité ensuite à délibérer sur les pratiques présentées, en tant que membres du tribunal. Ces délibérations et les travaux de l’atelier dans leur ensemble, seront rendus disponibles sous la forme d’actes dans le courant de 2015.3
Les participants et participantes à l’Atelier
Khalid Alaoui, membre du CCPA, du HCLPD, du CNLE et membre du comité de suivi DALO, Paris
Arnaud Beauquis, travailleur pair, Service Totem, Grenoble
Sylvia Bissonnette, coordonnatrice du Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec, membre du CREMIS, Montréal
Mélissa Blais-Lusignan, paire-aidante, Groupe d’intervention alternative par les pairs (GIAP), Montréal
Laurence Bobo, cheffe de service du Conseil Habitat Jeunes, Union Mutualiste pour l’Habitat et l’Insertion des Jeunes, Grenoble
Louis Bourgois, étudiant à Sciences Po Grenoble en master VTS, administrateur de l’association LAHso, administrateur FNARS Rhône-Alpes, Lyon
Emmanuel Carroz, élu, adjoint à l’Égalité des Droits et à la Vie associative à la Mairie de Grenoble
Christine Charnay-Heitzler, chargée de développement de projets innovants hébergement et logement, PACT13, Marseille
Catherine Chauveaud, cofondatrice et membre de l’ODENORE, présidente de l’association Femmes SDF, Grenoble
Sami Chayata, chargé de mission hébergement et projets solidaires, Délégation Interministérielle à l’Hébergement et à l’Accès au Logement, Paris
Firdaous Chairi, doctorante au Laboratoire PACTE, Grenoble et Rabat
Francine Côté, adjointe à la direction des services généraux et programmes spécifiques, CSSS Jeanne-Mance, gestionnaire-chercheure membre du CREMIS, Montréal
Sophie Coulombe, étudiante au baccalauréat en sociologie, Université de Montréal
Monique Fourquet, médecin, chargée de mission «Santé et précarité », Conseil Général de l’Isère, Grenoble
Karine Gatelier, anthropologue, Modus Operandi, ADA38, Grenoble
Valérie Godzik, responsable de la plateforme mobilité, CCAS de Grenoble
Odile Griette, cheffe du service Protection Maternelle et Infantile (PMI), Conseil Général de l’Isère, Grenoble
Alain Guézou, membre de RSA COOP, Grenoble
Camille Guipouy, étudiante à Sciences Po Grenoble en master VTS, stagiaire à l’ODENORE, Grenoble
Laurence Hamel-Roy, étudiante au baccalauréat en sociologie, Université de Montréal
Donatien de Hautecloque, étudiant à Sciences Po Grenoble en master VTS, ancien responsable de projet de lutte contre les discriminations dans une mairie de l’agglomération grenobloise, Grenoble
Roch Hurtubise, chercheur et professeur à l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke, membre du CREMIS, Sherbrooke
Mondane Jactat, élue, adjointe à la Santé à la Mairie de Grenoble
David Laumet, travailleur social, chef du service Totem, membre du GAN Jeunes FNARS et membre de l’ODENORE, Grenoble
Serge Laurens, sociologue et politologue, membre du Comité Consultatif Régional des Personnes Accompagnées et Accueillies, administrateur FNARS Rhône-Alpes, Lyon
Sarah Lazzaroni, correspondante jeunesse, Ville de Grenoble
Lynda Lebbad, Adjointe de direction référent Maison des habitants, CCAS de la Ville de Grenoble
Julien Lévy, doctorant au laboratoire PACTE, membre de l’ODENORE, sociologue au Relais Ozanam, administrateur FNARS Rhône-Alpes, Grenoble
Marta Llobet, professeure en travail social, Université de Barcelone, membre collaboratrice du CREMIS, Barcelone
Frédéric Maari, spécialiste en activités cliniques – programme dépendances, CAU-CSSS Jeanne-Mance, praticien-chercheur au CREMIS, Montréal
Bénite Mandaka, étudiante en droit, présidente de l’Association des étudiant-es africain-es de l’Université Concordia et membre du conseil d’administration de Mères avec pourvoir, ancienne participante au programme Bien dans mes baskets, Montréal
Véronique Maurice, directrice du Centre de soins infirmiers Abbé Grégoire, Grenoble
Christopher McAll, codirecteur scientifique du CAU-CSSS Jeanne-Mance et du CREMIS et directeur du Département de sociologie de l’Université de Montréal
Geneviève McClure, coordonnatrice de l’équipe PRAXCIT au CAU-CSSS Jeanne-Mance, CREMIS, Montréal
Guillaume Ouellet, doctorant en sociologie, Université de Montréal
Sébastien Payeur, directeur du Pas de la rue, Montréal
Clémence Peyrot, étudiante à Sciences Po Grenoble en master VTS, Grenoble
Sylvain Picard, éducateur spécialisé, équipe itinérance du CAU-CSSS Jeanne-Mance, praticien-chercheur au CREMIS, Montréal
Pauline Pipet, chargée des programmes de santé publique à l’Association de Gestion des Centres de Santé Associatifs (AGECSA), Grenoble
Annick Piquet, responsable de la communication et de l’animation des bénévoles, association Un Toit Pour Tous, Grenoble
François Régimbal, professeur de sociologie, CÉGEP du Vieux Montréal, membre du CREMIS et de l’équipe PRAXCIT, Montréal
Gabrielle Richard, sociologue, PhD en Sciences humaines appliquées, Chargée de cours, Université de Montréal
Pierre-Louis Serero, Membre de RSA COOP, Grenoble
Francis Silvente, directeur du Relais Ozanam, président de la FNARS Rhône-Alpes, Grenoble
Déborah Slama, infirmière, Équipe Mobile de Liaison Psychiatrie Précarité , Isère, Grenoble
Benoit St-Pierre, pair-aidant en santé mentale au Centre hospitalier de l’Université de Montréal.
Benjamin Vial, doctorant au laboratoire PACTE, membre de l’ODENORE, Grenoble
Philippe Warin, directeur de recherche CNRS, Laboratoire PACTE, cofondateur de l’ODENORE, membre collaborateur du CREMIS, Grenoble
Notes
- Issu d’une recherche exploratoire sur le non-recours aux services de l’État, le constat d’un manque d’outils de mesure et de connaissance a conduit à construire un dispositif d’observation. Labellisé en juin 2002 par le réseauFrance Qualité Publique, l’ODENORE a été créé officiellement en mars 2003 comme dispositif du laboratoirePACTE à l‘Institut d’Etudes Politiques de Grenoble où il participe depuis 2012 à la Grande Thématique de Recherche «Questions sociales & Inégalités – Politiques, publics et territoires». Créé comme Équipe de Recherche Technologique par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en janvier 2009, l’ODENORE regroupe une dizaine de chercheurs, ingénieurs de recherche et doctorants qui travaillent en réseau avec plusieurs équipes de laboratoires du CNRS. Ses activités de recherche, d’études, d’aide à la maîtrise d’œuvre et de formation sont développées en lien étroit avec de nombreux acteurs nationaux et locaux des politiques sociales et de santé.
- En partenariat avec le programme de deuxième cycle Villes, Territoires et Solidarité de l‘Institut d’Etudes Politiques de Grenoble.
- Le contenu de ce texte provient de différents documents produits par l’équipe d’organisation et d’animation de l’atelier.
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- Geneviève McClure
- Coordonnatrice de l’Équipe PRAXCIT, CREMIS