Objectifs de cette section
Les contenus présentés dans cette section visent à inspirer et outiller des personnes qui souhaiteraient développer des projets favorisant la participation pleine et entière de personnes concernées par une recherche ou une initiative venant de milieux d’intervention. Elle s’appuie, plus précisément, sur l’approche méthodologique du projet PIJ afin de donner des repères concrets à l’action.
Une démarche de recherche-action participative jeunesse (RAPJ)
Le projet PIJ a adopté une démarche de recherche-action participative jeunesse (RAPJ) afin de créer des espaces d’échanges et de réflexions qui permettraient aux jeunes de déployer leur leadership et leur empowerment. Dans cette optique, quatre jeunes cochercheur·es qui ont connu une expérience d’itinérance ou de précarité ont été embauché·es et iels ont été impliqué·es dans toutes les étapes du projet. Des relations horizontales et égalitaires ont été établies au sein de l’équipe PIJ afin de soutenir la participation et l’engagement de tous·tes dans la démarche. Parallèlement, le savoir expérientiel des jeunes cochercheur·es a été valorisé afin de développer une compréhension de l’itinérance jeunesse qui outrepasse les connaissances empiriques actuelles et qui est plus représentative de la réalité et des perspectives des jeunes. Dans le même ordre d’idées, la démarche de RAPJ reconnaît l’importance de la citoyenneté en permettant aux jeunes de contribuer activement à un changement social qui les concerne et de déployer leur capacité d’action lors de toutes les étapes du processus.
Pour en apprendre plus sur l’expérience des jeunes cochercheur·es de l’équipe PIJ, écoutez ce balado (à venir).
Les jeunes y abordent les questions suivantes : qu’est-ce qu’iels auraient envie de partager sur leur expérience dans ce rôle de cochercheur·e? Quels sont les conseils que les jeunes donneraient à d’autres personnes souhaitant s’impliquer dans des démarches de co-construction comme celle du projet PIJ ? Et quels messages iels voudraient transmettre à des personnes du monde de la recherche ou de l’intervention souhaitant s’inspirer d’une démarche participative comme celle qui a été déployée dans ce projet ?
Des principes guidant l’action
Vous l’aurez compris, les démarches de RAPJ s’appuient sur une vaste gamme de principes guidant l’action des équipes qui les déploient (empowerment, leadership et soutien à la mobilisation des jeunes, horizontalité des relations, etc.). Pour démontrer comment ces principes peuvent servir de balises pour une démarche rythmée par le va-et-vient de la coconstruction, les lignes suivantes se pencheront sur l’approche méthodologique du projet PIJ.
L’un des principes clés du projet PIJ est la valorisation des savoirs expérientiels, qui s’appuient sur une pluralité d’expériences et de trajectoires. La collecte de données du projet PIJ s’est faite par l’entremise de groupes de discussion et d’entrevues individuelles. Celles-ci ont été menées auprès de practicien·nes qui œuvrent dans des milieux d’intervention se penchant sur l’itinérance jeunesse et auprès de jeunes qui ont connu des situations d’itinérance. Lors de la composition de l’échantillon, les enjeux de diversité ont été considérés afin que la recherche puisse prendre en compte les réalités de personnes issues de la diversité culturelle, sexuelle, de genre, etc. Parallèlement, afin de brosser un portrait qui tient compte des particularités du Québec, l’équipe a fait l’effort de recruter des personnes qui pouvaient témoigner de différentes réalités régionales de l’itinérance jeunesse au Québec. Dans le même ordre d’idées, des jeunes ayant connu différentes trajectoires de vie et des practicien·nes occupant divers rôles dans leur milieu de pratique ont été sollicité·es. Toutes ces considérations ont permis de recueillir des données riches et variées pour parvenir à rendre compte des expériences plurielles qui caractérisent le phénomène de l’itinérance jeunesse.
Le second principe guidant la démarche du projet PIJ fait référence à l’un des avantages associés aux démarches RAPJ. Il s’agit de la réflexivité continue qui résulte de la pluralité des trajectoires représentées dans les données et du croisement de celles-ci avec le regard des cochercheur·es concerné·es par le phénomène étudié. Grâce aux profils variés des participant·es de la recherche, l’équipe a pu mettre en lumière les convergences et les divergences émanant des témoignages pluriels recueillis. Parallèlement, l’apport des jeunes cochercheur·es a été considérable, puisque ces dernier·ères ont pu faire appel à leurs expériences pour nuancer et étoffer l’analyse des données. Il en va de même pour les travaux recensés dans la littérature, qui ont pu renforcer certaines idées soulevées dans l’analyse ou susciter certaines réflexions complémentaires. Ultimement, le processus itératif dans lequel s’inscrit la démarche RAPJ favorise une réflexivité constante. Bien que cette composante puisse entraîner son lot de va-et-vient, elle permet au projet d’adopter un rythme qui suit le fil des échanges et des relations qui se tissent au sein de l’équipe de recherche. De plus, tout au long du processus de recherche, les jeunes cochercheur·es ont été impliqué·es dans une multitude de tâches et ont été amené·es à déployer leur leadership tant par leur prise de parole que par leur implication au sein de toutes les étapes du projet.
Éléments à considérer afin de mener une démarche RAPJ
Au-delà de ces principes, le projet PIJ a permis de dégager certains éléments à considérer afin de mener à bien une démarche participative :
- Se concerter pour développer un univers de sens commun
- Il importe, dès le départ, de clarifier le but et les objectifs du projet avec toutes les personnes qui font partie de l’équipe de recherche
- Il est pertinent de discuter ensemble des mesures et des attentes qui encadreront le déroulement et les différentes étapes du projet de recherche
- Quelle est la nature de l’implication de chacune des personnes? (Nombre de rencontres, fréquence des rencontres, rôle de chaque personne, durée du projet de recherche, etc.)
- Quelles seront les modalités de communication? (courriel, appel téléphonique, texto etc.)
- Déterminer les valeurs et les principes qui guideront les échanges au sein de l’équipe de recherche (respect, écoute, non-jugement, empathie, relations égalitaires, etc.)
- Quelle(s) sont la/les personne(s)-ressource(s)?
- Faire preuve d’adaptabilité pour soutenir la mobilisation des personnes concernées
- Afin de soutenir l’engagement des jeunes cochercheur·es, il importe de s’adapter à leur réalité :
- Lieu et heure et durée des rencontres : il est crucial que ces éléments soient adaptés à l’horaire des jeunes cochercheur·es, qui peuvent occuper un emploi ou être aux études.
- Rémunération : l’implication des jeunes cochercheur·es est significative. Il est de mise de penser à une forme de compensation financière afin de reconnaître l’expertise et les efforts déployés tout au long de la démarche. Par ailleurs, tout dépendamment de l’heure des rencontres, le repas peut être fourni ou remboursé et il en va de même pour le transport des jeunes cochercheur·es.
- Faire preuve de flexibilité dans une démarche hautement itérative
- La démarche RAPJ s’inscrit dans un processus itératif. Le projet évolue en fonction des échanges et des réflexions qui émergent au sein de l’équipe. Il importe dès lors de s’y préparer, de ne pas considérer les différentes étapes selon une vision linéaire et d’embrasser la richesse des allers-retours.
- Le vécu expérientiel des jeunes cochercheur·es fait partie des moteurs de la recherche. Il faut partager les espaces de parole et les prises de décisions afin que la mutualité soit au cœur du processus et que toutes les étapes du projet se voient enrichies par de tels rapports de réciprocité.
Posture de chercheur·e
Pour qu’une recherche soit véritablement transformative, elle doit aussi nous transformer en tant que chercheur·es et personnes engagées dans la démarche. En tant que chercheure principale du PIJ, Sue-Ann MacDonald a constaté que plusieurs dynamiques sont à l’œuvre pour mener ce projet de manière collaborative et sensible. L’humilité — notamment épistémique — s’avère essentielle pour accueillir pleinement la complexité du processus et accompagner le cheminement avec justesse. Dans cette perspective, le processus de recherche prend le pas sur les résultats attendus. Il ne s’agit pas simplement d’atteindre une destination, mais de s’ouvrir à ce qui émerge en cours de route. Cela implique un certain lâcher-prise sur les objectifs initiaux, une disposition à s’impliquer avec le cœur, et à partager nos propres zones de vulnérabilité. Ce sont les rencontres, les échanges, les imprévus, des expériences profondément humaines, qui marquent et transforment les personnes au cœur de la recherche, y compris la personne qui chapeaute la démarche. Ainsi, nous ne façonnons pas seulement la recherche : nous sommes aussi façonné·es par elle.
De manière plus générale, il est important de ne pas minimiser les ressources humaines et financières que requièrent de telles démarches. Pour cette raison, ces projets nécessitent souvent de prendre le temps d’aller chercher des fonds supplémentaires afin de permettre la grande itération qui rythme la démarche et la poursuite d’objectifs déterminés en cours de route. Ces initiatives s’appuient également sur des processus d’accompagnement social qui ne sont pas à négliger, car les membres de l’équipe peuvent vivre des hauts et des bas, nécessitant du soutien social. Le développement de relations partenariales fortes peut permettre, par exemple, d’offrir une forme de suivi psychosocial aux personnes concernées par le phénomène étudié.