
La dentisterie sociale propose de changer la manière dont on conçoit la pratique en mettant l’accent sur la personne, la communauté et la société dans son ensemble. Il s’agit de prendre en compte les besoins, les préoccupations, les craintes et les attentes des patient·es et, plus largement, de considérer leur mode de vie, leur situation économique et leur environnement socioculturel. C’est ce que l’on appelle le modèle biopsychosocial en dentisterie.
L’idée est que la bouche n’est pas séparée de la personne : il est donc nécessaire de comprendre les causes fondamentales de la maladie pour offrir un soin adapté.
Pour améliorer la santé des patient·es, il ne suffit donc pas de traiter des symptômes. Les praticien·nes doivent remonter à la source du problème, pour comprendre ce qui les rend malades. C’est ce qu’on appelle les déterminants sociaux de la santé. Ce sont les conditions dans lesquelles les personnes naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent, qui ont une influence sur leur santé et leur qualité de vie. En général, les groupes et les personnes qui vivent le plus de difficultés sociales et économiques sont aussi celles qui vivent le plus de discriminations, qui rencontrent le plus de barrières institutionnelles et qui sont les plus vulnérables face à la maladie.
La recherche en santé publique recommande ainsi aux praticien·nes de s’attaquer aux conditions sociales qui rendent les personnes et les communautés malades. Pour cela, ils et elles peuvent par exemple prescrire des interventions sociales aux patient·es, ou s’impliquer dans des initiatives visant à rendre les soins plus accessibles.
Une telle approche demande toutefois des compétences qui sont rarement abordées dans les écoles dentaires, comme :
- Susciter le dialogue avec les patient·es, pour établir un lien de confiance et comprendre les déterminants sociaux de leur santé;
- Développer des liens de collaboration au sein de sa communauté locale, pour diversifier les possibilités offertes aux patient·es;
- S’impliquer dans un rôle social, pour soutenir les initiatives d’accès équitable aux soins et promouvoir la défense des droits.
En général, la dentisterie se concentre sur les processus biologiques, la chirurgie et le développement de nouvelles technologies. C’est ce que l’on appelle l’approche biomédicale. Cette approche ne prend pas en compte les déterminants sociaux de la santé et tend à réduire les personnes à des organes à traiter. Par ailleurs, l’influence de l’idéologie néolibérale sur les modèles dominants de pratique et d’organisation des soins a tendance à réduire à des causes individuelles des problématiques qui ont plutôt des origines sociales, et pousse à considérer la pratique sous un angle entrepreneurial, par exemple en privatisant les soins de santé.

À l’inverse, les praticien·nes socialement engagé·es cherchent à dépasser la vision individuelle du soin, et s’intéressent plus largement aux communautés dans lesquelles ils et elles travaillent. Ils et elles tentent de répondre aux besoins spécifiques des communautés locales, en adaptant les pratiques et en développant des compétences cliniques adaptées.
Le rôle des enseignant·es est également crucial dans le développement d’une vision sociale de la dentisterie, afin de soutenir les compétences des futur·es praticien·nes et d’assurer un changement durable dans les pratiques.
Pour promouvoir cette approche, Christophe Bedos, Nareg Apelian et Jean-Noël Vergnes proposent le modèle Montréal-Toulouse. Ce modèle combine les grands principes des soins dentaires centrés sur la personne, qui se concentre principalement sur la relation entre les praticien·nes et les patient·es, et ceux de la dentisterie sociale, qui articulent les pratiques individuelles, communautaire et sociales, pour permettre aux praticien·nes (non seulement les dentistes, mais aussi les hygiénistes, les assistant·es et le personnel d’accueil) d’agir sur les déterminants sociaux de la santé.
Le modèle Montréal-Toulouse s’accompagne de plusieurs outils, présentés dans ce dossier, pour guider les praticien·nes, les enseignant·es et les étudiant·es qui souhaitent mieux connaître et appliquer les principes de l’approche biopsychosociale en dentisterie. Les auteurs proposent également des ressources pour soutenir les patient·es lors de leurs visites dentaires.
Pour découvrir la dentisterie sociale et le modèle Montréal-Toulouse en images, consultez la bande-dessinée Au-delà des dents : la dentisterie sociale et le modèle Montréal-Toulouse, écrite par Christophe Bedos et illustrée par Daniel Ha.
Sections du dossier
Dossier thématique
Sections du dossier
- La dentisterie sociale en bande-dessinée
- La dentisterie sociale, c'est quoi ?
- Pratiquer la dentisterie sociale en consultation
- Pratiquer la dentisterie sociale dans sa communauté
- S’engager socialement en tant que praticien·ne
- La prescription sociale, c’est quoi ?
- Je suis un·e patient·e : suis-je bien traité·e par mon ou ma dentiste ?
- Ressources à télécharger
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