« L’infirmière n’a pas présumé de mon hétérosexualité et m’a demandé le sexe de mes partenaires sexuels »
homme gai, 24 ans
« À aucun moment, on ne m’a expliqué qu’il y avait aussi des moyens de se protéger durant les relations avec des femmes. À ce jour, je ne suis pas plus éclairée sur le sujet »
lesbienne, 35 ans
« Cela a très bien été jusqu’à ce que je lui dise que je voulais une transition sexuelle et que j’avais besoin d’aide là-dedans. Après, elle m’a dit qu’elle ne pouvait rien faire pour moi. Que je devais trouver par moi-même quelqu’un pour m’aider. Ce fut très désagréable »
femme trans, hétérosexuelle, 24 ans
Une recherche permettant de poser un regard sur l’adéquation entre les services sociaux et de santé et les besoins des personnes des minorités sexuelles a a été réalisée au CSSS Jeanne-Mance entre juin 2011 et décembre 2013, en collaboration avec le Comité santé des minorités sexuelles (CSMS), la Chaire de recherche sur l’homophobie et le CREMIS.
Les objectifs de cette recherche étaient de:
- Documenter les pratiques spécifiques développées par l’établissement pour mieux répondre aux besoins des personnes LGBT;
- Mesurer l’adéquation des services sociaux et de santé en fonction des sous-groupes parmi cette population;
- Proposer des recommandations pour l’amélioration des services.
Faits saillants en quelques lignes
- Les pratiques spécifiques développées par le CSSS Jeanne-Mance pour mieux répondre aux besoins en matière de santé des minorités sexuelles démontrent la volonté de l’établissement de poursuivre l’adaptation de ses services.
- Le portrait global de la satisfaction des personnes LGBT quant à leurs expériences avec les services sociaux et de santé en général est positif sur plusieurs aspects. Toutefois, les résultats suggèrent que du travail reste à accomplir sur d’autres aspects tels que les connaissances sur les réalités des personnes LGBT, les signes d’ouverture dans l’environnement et l’hétérosexisme perçu par les usagers, notamment parmi les femmes de minorités sexuelles.
- Les personnes trans sont les minorités sexuelles qui se heurtent au plus grand nombre de difficultés dans leur accès et leur utilisation des services sociaux et de santé.
Les recommandations qui se dégagent de cette recherche
- Identifier les besoins en termes de formation à propos des personnes LGBT au sein des équipes et des programmes;
- Promouvoir la formation continue à l’aide des guides de soins pour les minorités sexuelles, les ressources en ligne et les formations à l’interne offertes par des partenaires communautaires et institutionnels;
- Développer et maintenir des compétences clef essentielles : capacité d’offrir un bon accueil, capacité à établir un lien de confiance et aisance du personnel à parler de sexualité;
- Créer un environnement accueillant qui montre des signes d’ouverture aux réalités et aux besoins des personnes LGBT : affiches, messages visuels diffusés dans les salles d’attentes à l’intention des usagers, etc.;
- Approfondir la réflexion sur l’offre de services, notamment pour les personnes trans;
- Soutenir les équipes ou les comités d’intervenants sensibilisés aux besoins des personnes LGBT au sein des établissements de santé et de services sociaux afin de favoriser l’adaptation des services.
En mai 2016, un séminaire organisé conjointement par le CREMIS et le Comité Santé des minorités sexuelles Jeanne-Mance a permis de réfléchir aux différentes recommandations du rapport de recherche. Une quarantaine de personnes provenant d’organismes LGBT, d’organisme communautaires offrant des services à diverses populations, du milieu universitaire et de plusieurs programmes-services et directions du CIUSSS Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal ont participé aux ateliers de travail.
Pour en savoir plus sur la recherche
Méthodologie privilégiée
Des entrevues exploratoires ont été réalisées avec des professionnels du CSSS Jeanne-Mance et des intervenants d’organismes communautaires du territoire pour recueillir leurs opinions sur l’adaptation des services (n=20).
Un questionnaire en ligne a également été rempli par des personnes LGBT du territoire de Jeanne-Mance mais également des différentes régions du Québec (n=736). Ce questionnaire visait à mieux comprendre leurs expériences à propos de leur accès et de leur utilisation des services sociaux et de santé.
Principaux résultats de la recherche
Les principaux résultats tirés des entrevues exploratoires avec des professionnels du CSSS Jeanne-Mance et des intervenants d’organismes communautaires du territoire
Certaines pratiques spécifiques d’adaptation des services sociaux et de santé au CSSS Jeanne-Mance témoignent d’une longue expérience et d’une expertise unique pour mieux répondre aux besoins des minorités sexuelles, notamment dans la lutte aux ITSS : services de dépistage, travail de proximité avec des partenaires communautaires, groupes de soutien VIH et hépatite C.
D’autres pratiques spécifiques au CSSS sont les activités de sensibilisation et de formation aux besoins des personnes LGBT organisées par le CSMS et la reconnaissance officielle du comité par la direction.
Les intervenants ont identifié les compétences nécessaires pour l’adaptation des services telles que: un bon accueil, l’identification des besoins et le développement d’un lien de confiance, une bonne communication et l’aisance à parler de sexualité avec des clientèles variées.
La mise en place de programmes et services spécialisés pour les minorités sexuelles soulève des réticences, principalement quant aux risques de stigmatisation envers cette clientèle particulière et d’une ghettoïsation qui s’accompagnerait d’une déresponsabilisation des autres points de services. Une solution identifiée est celle de constituer une équipe multidisciplinaire plus apte à développer une expertise. Offrir des services pour les personnes trans pourrait constituer un cas particulier nécessitant une telle expertise. La mise en place de corridors de services officiels avec les partenaires communautaires et institutionnels constituerait une autre piste pour améliorer l’adéquation des services.
Les principaux résultats tirés du questionnaire en ligne auprès des personnes LGBT résidentes du Québec
Environ la moitié des répondants indiquent avoir déjà discuté de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre avec un professionnel de la santé.
Les scores de satisfaction pour les services reçus sont élevés pour plusieurs indicateurs tels que la politesse, le respect et la confidentialité. Toutefois, plusieurs indicateurs reçoivent des scores plus faibles: l’attitude positive de l’intervenant envers l’orientation sexuelle ou la transidentité, la bonne communication de la situation de l’usager, la non-présomption de l’orientation sexuellle, l’utilisation de termes appropriés, le fait que l’usager n’ait pas à fournir des informations outre mesure sur les réalités LGBT, l’aisance de l’usager à disctuer de l’orientation sexuelle ou de la transidentité, l’adapatation des services aux besoins de l’usager LGBT et la présence de signes d’ouverture sur l’orientation sexuelle et sur l’identité de genre.
Lorsque comparées aux hommes, les femmes de minorités sexuelles accordent des scores moyens plus faibles à plusieurs indicateurs de satisfaction.
Parmi les différents sous-groupes, ce sont les personnes trans qui sont les moins satisfaites des services.
Lorsque les scores de satisfaction pour les services de l’ensemble des régions du Québec sont comparés avec ceux du CSSS Jeanne-Mance, on remarque que certains scores sont plus élevés pour ce dernier (ex. bonne compréhension de la situation de l’usager et utilisation de termes appropriés) et qu’il y a moins de différences entre les sous-groupes quant à leur satisfaction. Ces données suggèrent que l’établissement se démarque favorablement quant à l’adéquation des services.
Les commentaires recueillis dans les questions ouvertes à propos des expériences des usagers avec les services et les professionnels convergent avec les données quantitatives, ce qui appuie les conclusions et les recommandations issues de cette recherche.
Versions imprimables des sommaires exécutifs
Article Revue du CREMIS
Dumas. J et Chamberland, L. (2014). Les besoins des minorités sexuelles et les services sociaux et de santé: signes d’ouverture. Revue du CREMIS, Vol. 7 No. 1.