Sue-Ann MacDonald, Céline Bellot, Marie-Ève Sylvestre, Andrey-Anne Dumais Michaud et Anik Pelletier
En 2012, la Commission de la santé mentale du Canada a publié sa première stratégie canadienne en santé mentale.Leur rapport Changer les orientations, changer des vies: Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada présente un constat alarmant sur les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale: elles sont surreprésentées dans le système de justice et cette tendance semble être en hausse. Une des principales recommandations du rapport mentionne l’importance d’augmenter le nombre de programmes en matière de déjudiciarisation des personnes présentant des problèmes de santé mentale au sein du système correctionnel et d’augmenter l’utilisation des tribunaux de santé mentale(TSM). En effet, les programmes de déjudiciarisation (comprenant les TSM) et de justice restaurative ont été cités comme des mesures permettant de rediriger les personnes avec des problèmes de santé mentale impliquées dans le système de justice en fournissant l’accès aux services,aux traitements et aux supports nécessaires.
Le but de la recherche présentée dans ce rapport était d’explorer les procédures et les effets d’un tribunal de santé mentale le Programme d’accompagnement Justice –Santé mentale (PAJ-SM), situé à la cour municipale de Montréal. En particulier, l’objectif était d’étudier son impact sur la prévention et la réduction de l’itinérance. Bien que les TSM se multiplient au plan national, on en connaît peu sur les points d’entrée, la nature et la portée des interventions judiciaires, la collaboration interprofessionnelle et intersectorielle, les expériences des personnes et des acteurs-clés, et enfin, si de telles formes d’intervention améliorent la qualité de vie et l’impact sur l’itinérance (chronique, aigu,prévention). En somme, ce projet a voulu bonifier les connaissances et examiner les effets sur les personnes qui sont en situation d’itinérance ou à risque basé sur des «pratiques prometteuses».
L’équipe de recherche a conduit une étude utilisant une méthodologie mixte s’étalant de février 2013 à mars 2014. Spécifiquement, des entrevues semi-structurées avec vingt participants du TSM et onze acteurs-clés de l’équipe multidisciplinaire du TSM furent réalisées. Également, plus de 125 heures d’observation participante ont été effectuées. Pendant ces heures, l’équipe de recherche a observé les réunions d’équipe, le déroulement dans la salle d’audience et les membres de l’équipe individuellement.Au niveau quantitatif, afin de connaître les trajectoires sociodémographiques, judiciaires et les antécédents en santé mentale des personnes accusées, des données ont été recueillies à partir de 100 dossiers de cour entre 2008 (début du TSM) et 2012. En outre, il sera démontré que les personnes en situation d’itinérance sont surreprésentées dans le TSM et tendent à avoir des trajectoires judiciaires et de santé mentale moins linéaires. Par conséquent,elle sont du mal à fonctionner dans cet environnement rigide où tout se déroule à un rythme rapide et manquant fréquemment de ressource en matière de santé et services sociaux.Enfin, dans plus de la moitié des dossiers étudiés les accusations furent retirées, abandonnées ou un verdict de non-responsabilité criminelle (NRC) fut émis. Ainsi, 52% des dossiers ne sont pas criminalisés, ce qui questionne la pertinence de la judiciarisation des personnes accusées aux prises avec des problèmes de santé mentale.
En espérant que cette étude pourra contribuer à enrichir la littérature dans le domaine des TSM au niveau canadien.