Nadia Giguère, Jean-François René, Isabelle Laurin, Isabelle Morissette, Renée-Eve Dionne, Frédéric Maari
Depuis le début 2014, le Rond-Point (RP) offre aux parents d’enfants âgés de 0 à 5 ans exposés à l’alcool et aux drogues des services intégrés et spécialisés dispensés par une équipe multidisciplinaire. Ce lieu se veut un milieu de vie où les familles, en plus de bénéficier des services adaptés, peuvent participer à différentes activités favorisant le développement d’un sentiment d’appartenance dans un cadre informel. Dès la mise en œuvre du RP, le développement d’un comité de parent a été envisagé, s’appuyant sur une philosophie d’intervention où les usagers sont partenaires et impliqués dans la planification des activités et des services offerts. Toutefois, malgré cette volonté organisationnelle, les contours de ce comité étaient non définis par les promoteurs, et aucune ressource humaine n’était prévue pour soutenir l’émergence de ce dispositif de participation.
En 2014, en soutien à cette volonté du RP de donner une voix aux parents,notre équipe de recherche a initié une démarche de recherche-action participative (RAP) avec les intervenantes et les parents du RP afin de réfléchir avec ces deux groupes d’acteurs à la forme que pourrait prendre cette participation au sein de la ressource et sur les moyens de la soutenir. Cette RAP avait aussi comme objectifs de documenter ce que ces moments d’échanges produisent sur le plan des résultats de participation, sur le parcours des parents ainsi que sur l’intervention planifiée au RP.
De novembre 2014 à mai 2015, un groupe de parentsa pris part à huit rencontres et l’équipe de RP à trois rencontres. Deux rencontres de mise en commun ont eu lieu en présence de tous les acteurs ainsi que des membres de l’équipe de recherche. L’ensemble de la démarche a été animé par une chercheuse de l’équipe ainsi qu’une organisatrice communautaire du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. Elles ont travaillé avec différents outils d’animation pour orienter et baliser la réflexion sur la thématique de la participation et dans la perspective de transformer la parole individuelle en une parole collective. En amont de cette démarche,ainsi qu’à sa suite, des rencontres de groupe avec les intervenantes ont eu lieu (3) ainsi que des entrevues individuelles avec les parents (5) afin de compléter la collecte de données et de répondre à nos objectifs de recherche.
Les parents se sont investis avec assiduité au sein de ce dispositif nommé Espace parents sur une période de sept mois. La démarche a fait émerger une culture de parole, de réflexions et de questionnements sur ce qu’ils sont, comment ils veulent être identifiés (parents plutôt que consommateurs) ainsi que,plus largement,sur le RP, ses services, son approche et ses critères de fréquentation. Pour leur part, les intervenantes mentionnent que la démarche les a amenées à questionner leurs pratiques et à modifier leur façon de travailler. Néanmoins, malgré le fait que les parents aient éprouvé le sentiment de pouvoir changer les choses au RP et que les intervenantes aient reconnu la pertinence de mettre en place un dialogue collectif au RP, nous dressons un bilan mitigé de la marge de manœuvre des parents pour influencer les orientations et la gestion de la ressource. La participation des parents n’a pas permis de modifier de manière significative l’intervention planifiée. Plusieurs enjeux cliniques, professionnels, organisationnels et politiques ont été des freins au pouvoir d’agir des parents.La RAP illustre que pour impliquer les parents du RP comme partenaires, tel que souhaité initialement par les promoteurs de la ressource, il importe de compter parmi les ressources professionnelles du RP une personne entièrement dédiée au soutien à la vie associative. Néanmoins, les participants ont fait des apprentissages sur ce qu’exige la participation citoyenne au sein du RP et cela leur a donné à une autre perspective d’action concernant les comités d’usagers, où le partage des savoirs est habituellement peu pratiqué et peu valorisé.