La qualité des soins sous le prisme de l’expérience

Les expériences des soins constituent une préoccupation de plus en plus grande au sein des organisations de santé (Champagne et al., 2011). Alors que la qualité des soins était auparavant plutôt appréhendée sous l’angle de la performance et de la sécurité, l’apparition du mouvement des soins axés sur le partenariat-patient·e invite à mettre les intérêts et les besoins des usagers·ères au cœur des efforts d’amélioration des soins et services afin d’améliorer l’expérience des soins et l’efficacité des interventions (Fourcade et al., 2020; Maher et Robert, 2017; Silvola et al., 2023; Tindall et al., 2021).

S’il y a consensus sur l’idée de « mettre les usagers·ères au centre » (Bull et al., 2022; Maher et Robert, 2017), les impliquer dans la prise de décisions représente toutefois un défi de taille. Comment les mettre réellement à contribution dans la conceptualisation de ce que constituent des soins de qualité? Comment prendre en compte leurs interprétations individuelles, nécessairement subjectives, pour cibler les éléments déterminants de l’expérience des soins?

Cet article présente les résultats d’une recherche-action expérimentant l’approche du co-design afin d’impliquer des parents ayant eu une expérience d’accouchement en milieu hospitalier dans le développement d’un système de monitorage de la qualité de l’expérience de soins et services périnataux. Ce projet a été mené à la nouvelle Unité famille naissance (UFN) de l’Hôpital Notre-Dame, située à Montréal. Les gestionnaires responsables du développement de cette unité souhaitaient que des parents aux profils sociaux diversifiés — reflétant la population desservie — participent au développement et à l’amélioration continue de ses services, afin de concrétiser sa vision de soins et services centrés sur l’humain. 

En se basant sur les résultats de l’évaluation du dispositif de co-design, cet article explore plus spécifiquement comment l’implication de personnes ayant une expérience vécue des soins et services en périnatalité peut contribuer à la création d’outils de monitorage reflétant les préoccupations des personnes concernées (Bull et al., 2023; Champagne et al., 2011).

Démarche d’enquête

Une approche évaluative de type développemental a été utilisée afin de documenter l’expérimentation du dispositif de co-design. Particulièrement adaptée à l’évaluation d’innovations sociales et d’interventions en cours de développement, cette approche repose notamment sur une collecte de données permettant des ajustements en temps réel (Patton, 2010).

Plusieurs types de données ont été recueillies à différents moments de la démarche : observations participantes de chacune des rencontres de co-design, entretiens semi-structurés en fin de chaque phase du projet, questionnaires en ligne mi-parcours et post-démarche, et notes des rencontres de co-design et de l’équipe de recherche. Ce, afin de documenter la mise en œuvre du dispositif de co-design, son appréciation par les participant·es, ainsi que ses retombées.

Ces données ont permis de procéder à une évaluation normative de la qualité des outils développés. Ce type d’évaluation vise à porter un jugement sur la qualité d’une intervention ou d’un outil, à partir de critères reconnus (Champagne et al., 2011).

Faire ensemble

Le co-design basé sur l’expérience est une approche participative et collaborative. Elle permet de développer une compréhension commune de l’état des services et des solutions à mettre en place par le biais de processus de délibération. Ces négociations entre les diverses personnes impliquées mènent idéalement à des transformations (Greenhalgh et al., 2016; Maher et Robert, 2017; McKercher, 2020). Il s’agit ainsi d’une approche tout indiquée pour mettre à contribution des personnes porteuses de savoirs expérientiels dans le développement d’outils de mesure de l’expérience de soins. Nous définissons ici les savoirs expérientiels comme des savoirs dérivés de l’expérience vécue, réfléchis et thématisés de manière à devenir mobilisables, par exemple en servant de base à l’identification de pratiques porteuses pour une offre de soins centrée sur l’humain (Godrie, 2022).

Pour ce faire, le co-design basé sur l’expérience requiert d’être adapté au contexte dans lequel il est mis en œuvre. L’approche se décline généralement en deux grands volets. Le premier volet vise à recueillir des récits auprès des personnes ayant une expérience vécue (dans ce cas-ci des expériences en périnatalité en milieu hospitalier), pour en identifier collectivement les éléments déterminants. Le deuxième volet vise à développer conjointement des pistes de solution et d’amélioration consensuelles entre les participant·es (Maher et Robert, 2017). C’est donc la mise en commun et l’analyse collective des expériences vécues qui permettent leur passage au statut de savoirs expérientiels, par le biais des leçons et des pistes d’action qui en sont communément tirées (Godrie, 2016).

Pour s’inscrire dans une logique transformatrice pour les participant·es et les organisations, le co-design basé sur l’expérience doit reposer sur des principes guidant sa mise en œuvre et l’atteinte de ses objectifs (McKercher, 2020; Sangiorgi, 2011). Dans le cadre de cette recherche, le dispositif s’est appuyé sur des principes d’abord recensés dans les écrits scientifiques sur le co-design, puis adaptés au contexte de l’implantation de la démarche. Parmi ceux-ci1, on retrouvait l’idée de valoriser l’expérience des parents participants, d’amener le groupe à adopter et respecter des règles de fonctionnement éthique axées sur l’écoute active et la bienveillance entre les participant·es, de maximiser les capacités de participation de l’ensemble des participant·es en s’assurant que les modalités de participation soient adaptées aux besoins des plus vulnérables (par exemple en faisant preuve de flexibilité en regard de l’horaire et des modalités de rencontres) et de donner un pouvoir décisionnel aux participant·es (par exemple en structurant la démarche de manière à ce que les orientations de la démarche soient portées équitablement par l’ensemble des participant·es) (Amann et Sleigh, 2021; McKercher, 2020; Moll et al., 2020; Mulvale et al., 2019).

Bâtir un sens commun

La première phase des travaux a débuté par le co-développement d’une liste d’indicateurs des soins et services périnataux centrés sur l’humain. Pour ce faire, trois groupes de participant·es ont été composés : un groupe réunissant sept parents aux profils sociaux et aux expériences d’accouchement diversifiés (par exemple des personnes en situation de handicap, racisées, en couple homoparental et/ou ayant une expérience perçue comme positive, difficile ou traumatique) et recruté·es via des organismes communautaires en périnatalité, un groupe de quatre médecins de famille et spécialistes, et un groupe de professionnelles composé de deux infirmières-cheffes et assistantes-cheffes, d’une sage-femme et d’une accompagnante à la naissance du réseau communautaire. Le fait de séparer le personnel de soins et les parents durant cette première phase visait à encourager et renforcer la construction des savoirs expérientiels des parents en protégeant leur parole, afin de limiter les risques de hiérarchisation des différents types de savoirs mobilisés (Carrel et al., 2017). Ce, en cohérence avec le principe de valorisation de l’expérience des parents dans la démarche.

Cinq rencontres de groupe et deux rencontres collectives réunissant tous les groupes ont été organisées. Les premières rencontres consistaient à partager des récits d’expériences personnelles et professionnelles en lien avec les soins et services périnataux offerts en milieu hospitalier québécois. Les rencontres subséquentes visaient à convenir des éléments déterminants d’une expérience de soins centrée sur l’humain à partir des récits partagés. Les participant·es étaient ensuite invité·es à identifier des pistes de solution et les pratiques qui devraient être adoptées par le personnel soignant pour éviter les situations problématiques rencontrées ou observées et favoriser une expérience de soins et services positive. À partir de l’analyse des notes de rencontres et de l’identification des consensus établis par les participant·es, l’équipe de recherche a finalement élaboré une première ébauche de liste d’indicateurs, que les participant·es ont été invité·es à commenter et évaluer lors des rencontres suivantes.

Cette liste de 45 indicateurs, une fois jugée satisfaisante et consensuelle par l’ensemble des participant·es, a servi de base à l’élaboration des outils de mesure d’un système de monitorage de la qualité des soins et services. Pour cette seconde phase de la démarche, un nouveau groupe de participant·es a été constitué. Celui-ci regroupait deux parents et une médecin ayant participé à l’élaboration de la liste d’indicateurs, trois gestionnaires de l’UFN, trois professionnel·les du domaine de l’amélioration continue des services, et une organisatrice communautaire œuvrant dans le secteur de la périnatalité. Le groupe a développé des outils de monitorage en déterminant d’abord les modalités les plus pertinentes en fonction des caractéristiques propres à chaque indicateur, des préférences et des contraintes organisationnelles (par exemple, utiliser plutôt des entretiens, des sondages, etc.).

Dimensions du cadre de l’approche centrée sur l’humain appliquée aux services périnataux, illustrées d’exemples d’indicateurs tirés de la liste co-développée

  • Dignité, respect et consentement : le personnel soignant demande ou revalide le consentement avant chaque examen ou procédure.
  • Vie privée et confidentialité : le personnel soignant discute des informations délicates dans des lieux permettant la confidentialité.
  • Autonomie et autodétermination : la personne qui enfante ne se sent pas contrainte d’adhérer à une intervention.
  • Communication efficace, information et éducation : le personnel soignant informe la personne qui enfante des interventions et des alternatives possibles (dont le droit de refus), et ce afin de permettre une décision éclairée.
  • Implication de l’entourage : avec l’accord de la personne qui enfante, le personnel soignant encourage l’implication de la personne de soutien dans les soins.
  • Disponibilité et réactivité : le personnel est disponible pour répondre aux questions de façon bienveillante.
  • Environnement, conditions et contraintes du système : le personnel soignant planifie et met en place les adaptations nécessaires (environnement, matériel) pour les personnes en situation de handicap.
  • Coordination et intégration des soins : dans les situations d’urgence, le personnel soignant limite, dans la mesure du possible, la séparation entre la personne qui a enfanté et son bébé.
  • Transitions et continuité des soins : le personnel accueille les questionnements avec bienveillance et dirige les personnes qui ont enfanté vers les ressources appropriées après l’accouchement.

La liste d’indicateurs complète est disponible à l’adresse suivante : cremis.ca/indicateurs

Si un outil de mesure de l’expérience des soins est plus susceptible de présenter une bonne validité de contenu lorsqu’il est co-construit avec les personnes concernées par ces soins (Bull et al., 2023), il doit par ailleurs répondre adéquatement à certains critères de qualité2, notamment : que son contenu soit compris par l’ensemble des répondant·es ciblé·es (critère de compréhensibilité), qu’il inclue tous les concepts clés (critère de globalité), et qu’il contienne des items pertinents au regard des soins et services et du point de vue des personnes concernées (critère de pertinence) (Terwee et al., 2018). Ce sont ces critères qui ont guidé la démarche d’évaluation normative présentée dans les prochaines sections. 

Compréhensibilité

« […] prendre le temps de trouver un réel consensus, ça, j’ai apprécié. Je savais qu’il y avait un souci d’aller au fond des choses. L’équipe voulait vraiment essayer de préciser […] ce qu’on voulait dire, parce qu’il y avait une importance dans les choix des mots. » (Médecin participante)

Les participant·es étaient appelé·es à se prononcer sur les ébauches d’indicateurs et d’outils élaborés par l’équipe de recherche, en suggérant des reformulations ou en priorisant certains items. Il leur était par exemple demandé si les formulations étaient assez claires et si elles représentaient adéquatement l’idée énoncée à la source. Afin de s’assurer que les pouvoirs décisionnels en regard de la démarche demeurent entre les mains des participant·es, chaque décision prise en lien avec leur élaboration devait être entérinée par toutes et tous, par consensus ou par consentement (McKercher, 2020). Cela a permis d’assurer que l’ensemble des participant·es comprenne non seulement chaque item, mais aussi les enjeux liés aux transformations des pratiques qu’ils impliquent. Il a ainsi été possible de discuter des pratiques jugées essentielles pour une offre de soins et de services de qualité en négociant collectivement les limites organisationnelles de l’établissement.

Par exemple, certains parents n’ont pas eu la possibilité de discuter avec leur médecin accoucheur après un accouchement difficile (une mère explique avoir dû porter une plainte officielle pour que cette rencontre ait lieu). Pour répondre à cette problématique, les parents ont proposé un indicateur prévoyant une rencontre systématique avec le ou la médecin après l’accouchement. À première vue, les professionnel·les étaient plutôt opposé·es à cette idée, en raison des contraintes d’horaire du personnel médical. Cependant, les discussions collectives ont permis de développer une compréhension partagée de l’importance de cette pratique, en mettant en lumière les traumatismes potentiellement liés à l’expérience d’un accouchement. L’ensemble des participant·es s’est ainsi mis d’accord sur la formulation de l’indicateur suivant : une discussion sur l’accouchement a lieu, dans un court laps de temps, entre le personnel soignant en mesure d’assurer le suivi, la personne qui a enfanté et sa personne de soutien.

Globalité

La liste d’indicateurs produite rassemble des éléments issus des expériences d’accouchement des parents et des savoirs des gestionnaires et professionnel·les en périnatalité. Ces indicateurs sont répartis dans un cadre en neuf dimensions, élaboré à partir d’une recension d’écrits scientifiques3. Ce cadre permettait de s’assurer que le recueil des expériences couvre l’ensemble du concept d’approche centrée sur l’humain. Il a ainsi été utilisé pour structurer l’analyse des récits d’expérience et pour questionner les participant·es quant aux enjeux vécus ou observés à propos des dimensions peu couvertes par les récits des parents.

Lorsque sondé·es sur leur perception des livrables finaux, les participant·es considèrent la liste d’indicateurs et le système de monitorage développés comme étant exhaustifs et reflétant tous les aspects de leur expérience, en évitant le piège d’un exercice de priorisation qui viendrait gommer certains aspects perçus comme centraux pour certain·es participant·es.

« Je trouve ça vraiment bien qu’il y en ait 45 [indicateurs] et qu’on touche à différents aspects. Je trouve que ça correspond quand même à plusieurs des besoins qui avaient été nommés dans différentes sphères. C’est ça qui est important. En même temps, je trouve que c’est un idéal de soins qui est très bien. » (Professionnelle participante)

Certain·es participant·es ont toutefois émis des craintes concernant la possibilité d’évaluer adéquatement un si grand nombre d’indicateurs. Pour éviter cet écueil, il a été proposé d’utiliser une diversité d’outils de mesure, pour diminuer le nombre d’items mesurés par chaque outil et s’assurer de mesurer chaque indicateur le plus adéquatement possible (par exemple en fonction des répondant·es visé·es ou de la faisabilité). Ainsi, cinq outils de mesure ont été développés durant la deuxième phase de la démarche : un questionnaire d’évaluation pour le personnel soignant visant à mesurer leur perception de la qualité des soins et services dispensés, un sondage sur l’expérience des usagers·ères recueillant leurs retours sur les soins et services reçus, un guide d’entretien de groupe pour le personnel favorisant une réflexion collective sur les pratiques quotidiennes et les pistes d’amélioration, un guide d’entretien de groupe pour les usagers·ères permettant d’approfondir leurs perspectives et d’explorer des thèmes non couverts par le sondage, et une ébauche de plan d’audits destinés à assurer un suivi rigoureux et régulier de la conformité de certaines pratiques avec les objectifs de qualité des soins.

« Ce qui est bien, c’est qu’il y ait plusieurs outils pour monitorer. Il faut avoir l’information de différentes manières, autant du côté du personnel que des personnes qui accouchent. » (Parent participant)

Les participant·es, notamment les gestionnaires de l’unité, considèrent cette diversification des outils comme un avantage plutôt qu’un fardeau supplémentaire en termes d’utilisation. Selon elles et eux, cela permet d’avoir une meilleure compréhension de la situation et des soins et services à améliorer : « Avec ces modalités-là, je pense qu’on […] a une vue d’ensemble qui nous permet de tirer des constats. Ça fait partie de la qualité des soins, de l’amélioration continue. On est dans les meilleurs pratiques, donc ça fait beaucoup de sens pour moi » (Gestionnaire participante).

Pertinence

Ils et elles considèrent en outre que les items de la liste d’indicateurs couvrent les principales bonnes pratiques à mettre en œuvre pour offrir des soins et services périnataux favorisant une expérience positive : « Peu importe les interventions qui arrivent, si le consentement, la communication et les choix éclairés sont présents, même s’il y a une intervention qui est non désirée, il y aura eu ce choix éclairé là. Les parents vont se sentir tellement plus dans le pouvoir de leur accouchement juste à cause de ça! Alors oui, tous les indicateurs représentent pas mal ce dont les parents et les familles ont besoin » (Professionnelle participante).

Ces bonnes pratiques semblent toutefois « aller de soi » pour certain·es, ce qui les laisse perplexes quant à la nécessité de les expliciter encore et encore, notamment via des mécanismes de contrôle comme des outils de monitorage : « Je quitte le processus avec des questions […] parce que même si c’est bien d’avoir composé cette liste sur le dos collectif de nos expériences vécues, pourquoi c’est tellement difficile de faire comprendre [l’importance de] certains aspects de base, comme juste demander de l’empathie autour de tout ça » (Parent participant). À l’issue de cette démarche, ils et elles jugent cependant que prendre la peine de nommer ces indicateurs demeure essentiel, justement parce que les récits d’expérience révèlent l’existence de certaines pratiques qui n’ont pas lieu d’être : « Il y a certains indicateurs que pour moi, c’est comme “ben voyons, ça va de soi”, genre la confidentialité. Mais en même temps, je pense que c’est important qu’ils soient là, parce que même si on présume que c’est normal, ça l’explicite en disant que c’est important. […] On a eu un événement récemment [dans un autre hôpital] après le projet, où il y a eu un bris de confidentialité qui aurait vraiment pu mettre en danger la sécurité d’une patiente » (Médecin participante).

Les outils co-développés pour monitorer ces indicateurs s’avèrent eux aussi particulièrement pertinents aux yeux des participant·es, puisqu’ils permettent de brosser un portrait qu’ils et elles perçoivent comme utile de l’état de la qualité des soins et services périnataux, ceci en allant chercher différentes voix et perspectives, particulièrement celles des parents. Cela engage par ailleurs les professionnelles et les gestionnaires participant·es à implanter les pratiques identifiées et les outils co-développés : « J’ai l’impression que c’est un moyen utile pour que notre vision initiale du projet [de développement de l’UFN] soit appliquée. La philosophie du projet est là depuis le début. Là, on a le projet de recherche avec des indicateurs qui vont être mesurés. […] Finalement, on est comme accountable auprès des familles qui ont participé » (Médecin participante).

Ouvrir la voie

Si cette évaluation normative montre que les indicateurs et les outils de monitorage répondent aux critères de validité (compréhensibilité, globalité et pertinence), il faut toutefois rappeler qu’ils ont été développés spécifiquement pour l’établissement en question. Pour aller plus loin, il serait donc souhaitable d’évaluer l’applicabilité et la pertinence de ces outils dans d’autres unités de naissance en milieux hospitaliers québécois. De plus, il serait nécessaire d’évaluer la qualité des outils développés du point de vue de parents n’ayant pas été impliqués dans leur développement (Terwee et al., 2018)4.

Malgré ces limites, l’utilisation d’une approche de co-design basé sur l’expérience et s’inscrivant dans une perspective transformatrice a permis, d’une part, aux participant·es ayant une expérience vécue de contribuer à une démarche à visée d’amélioration continue et de détenir un pouvoir d’influence et décisionnel significatif et, d’autre part, de passer d’expériences vécues à des savoirs expérientiels collectivisés et mobilisables dans le cadre des travaux de co-construction. Cette expérience révèle ainsi le potentiel et la plus-value de recourir à des approches de co-développement de type partenarial, comme le co-design, pour le développement d’outil d’évaluation de l’expérience de soins et services de santé de qualité. Il s’agit d’un apport important aux connaissances sur le sujet, puisque peu d’expériences de ce type ont été rapportées dans la littérature scientifique (Silvola et al., 2023).

En somme, cette démarche ouvre la voie à de nouvelles perspectives pour l’amélioration continue des pratiques en périnatalité au sein des organisations de santé. Elle illustre la façon dont l’innovation en santé peut passer par une valorisation de la voix des personnes concernées et dont les expériences vécues peuvent devenir source de savoirs mobilisateurs pour transformer durablement les pratiques.

« Finalement, ça me dit que c’est possible. » (Médecin participante)

Notes

  1. D’autres principes utilisés avaient des visées en termes d’équité de participation : favoriser le bien-être des participant·es, prévenir ou atténuer les tensions, clarifier les attentes et les limites de la démarche, rassurer quant aux retombées de la démarche sur l’organisation des services, reconnaitre les bénéfices de la participation, prendre en compte les différents types de savoirs et prendre en compte les rétroactions et les suggestions formulées par les participant·es.
  2. Nous utilisons ici les critères proposés par le guide COSMIN proposant des standards de qualité attribuables à de tels outils (Terwee et al., 2018).
  3. Plusieurs bases de données ont été consultées (Medline, Embase, PsycINFO, CINAHL), ce qui a mené à l’identification de 416 références une fois les doublons éliminés. Parmi ces références, seuls les articles faisant mention d’indicateurs permettant de mesurer les soins et les services centrés sur les patientes au sein d’unités obstétriques ont été retenus, ce qui a mené à l’utilisation de 13 articles. Une recherche via la plate-forme Google Scholar utilisant les mots-clés « perinatal care», « patient-centered care », « patient-focused », « quality Indicators », « respectful maternity care », « humanized child birth », « woman-centered care », « person-centered care », « family-centered care » a mené à l’inclusion de 11 autres articles.
  4. Le volet d’évaluation de la qualité des outils du point de vue des parents n’ayant pas été impliqués dans le processus n’a pas pu être mis en place dans le cadre de cette démarche en raison des contraintes temporelles de la recherche et des contraintes organisationnelles de l’UFN.

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