Notes
- Il apparaît ici important de donner quelques précisions sur cette expérience professionnelle afin que les réflexions émergentes ainsi que les exemples donnés puissent être compris dans leur contexte. Je travaille depuis plusieurs années dans une équipe du RSSS dont le mandat est d’offrir des suivis de santé et psychosociaux de proximité (dans la rue, les organisations communautaires, etc.) à des personnes en situation d’itinérance. La mission première de cette équipe est de faciliter l’accès aux services existants à des personnes isolées, marginalisées et qui n’ont pas accès à des suivis adéquats ou à des services adaptés à leur réalité. Le travail des intervenant-es de cette équipe étant en particulier d’aider ces personnes, aux parcours extrêmement variés, à naviguer à travers les différents services et institutions, cette expérience a aiguisé ma connaissance des divers systèmes (santé, services sociaux, emploi, justice, logement, etc.) dans leur grande complexité, leurs forces, mais également leurs limites et leurs failles.
- À travers cette revue de la littérature, j’ai d’abord recensé les écrits entourant le phénomène de l’itinérance et l’évolution des conceptions de la marginalité et de la vulnérabilité. Je me suis ensuite penchée sur la place de la créativité d’abord en intervention sociale puis plus spécifiquement dans le champ du travail social. J’ai alors exploré l’évolution de cette profession dans une mouvance modernisme-postmodernisme et j’ai sondé inévitablement les questions incontournables de l’alternance du travail social comme étant outil de changement et outil de contrôle, la question de la dualité entre savoir expert et savoir expérientiel, la place des émotions dans la pratique et l’identité professionnelle.
- Afin de mieux saisir comment s’établit l’alliance thérapeutique entre les travailleurs-euses sociaux-ales et les personnes en situation d’itinérance, je compte documenter les perceptions qu’ont ces différent-es acteurs-trices de la place à accorder à cette alliance dans leur relation professionnelle, de la forme qu’elle prend, de ses effets, de ce qui la favorise ou lui fait obstacle. J’utilise trois méthodes de collecte de données : l’analyse de textes, les entrevues individuelles avec des travailleurs-euses sociaux-ales et des personnes en situation d’itinérance et l’observation directe des activités des travailleurs-euses sociaux-ales.
- « can lead to individuals excluding themselves from particular relationships and situations as they seek to minimalize and manage the damage to their self-identity and personhood », notre traduction.
- J’entends par autonomie la question de différenciation à l’autre telle que décrite par Winnicott (1975) et soulevée plus haut. C’est par la reconnaissance de l’autre comme ayant une « vitalité qui lui est propre » (Winnicott, 1975, p.34) qu’on lui concède un pouvoir sur sa manière d’être et d’agir. Cela n’est pas sans rappeler la notion de « pouvoir d’agir » que Côté et al. (2019, p.17), en se référant à Le Bossé (1998), définissent comme « le contrôle que peut exercer une personne ou un groupe de personnes sur son/leur environnement par la recherche et l’obtention des ressources matérielles, psychologiques et sociales nécessaires pour atteindre leurs objectifs ».
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