Audisme et sourditude : les dimensions affectives de l’oppression

« – T’es sourde?! Mais tu parles… »2 En nommant l’une des réactions fréquentes qu’ont les gens lorsqu’ils réalisent qu’elle est sourde, Émilie soupire : « C’est comme si le fait de parler ne correspondait pas au stéréotype du sourd, qu’on croit muet » (Émilie in Leduc, 2016ab). À l’instar d’autres protagonistes de C’est tombé dans l’oreille d’une Sourde3, elle partage en langue des signes québécoise (LSQ) ce que signifie pour elle la sourditude, c’est-à-dire le fait de vivre comme personne sourde4 (Ladd, 2003).

Vivre une appartenance à une ou plusieurs communautés sourdes est pour plusieurs une source de fierté, mais nous relie également à l’expérience réitérée de l’oppression (Bauman, 2008; Leduc, 2015; Gaucher, 2009); « […] ça se répète sans cesse… « La langue des signes, c’est pas universel? J’pensais qu’il y en avait juste une »»5, ironise Pamela en soulignant cet exemple fréquent de micro-agression. Ces questions, remarques et commentaires sont souvent formulés sans l’once d’une mauvaise foi, mais à force de répétition, ils forgent une dimension singulière de l’oppression, dans un contexte où les personnes sourdes ont l’impression qu’« il y’a près de 90% des entendant-es qui connaissent rien aux Sourd-es »6 (Hodan in Leduc 2016ab).

Appréhender l’expérience de l’oppression dans sa complexité, voilà ce qui a guidé ma recherche doctorale. Pour la philosophe féministe Iris Marion Young, l’oppression est ce « désavantage et cette injustice que certaines personnes éprouvent non pas comme une coercition d’un pouvoir tyrannique, mais en regard de pratiques quotidiennes d’une société libérale bien intentionnée »7 (Young, 1990:41). L’oppression est l’expérience généralisée d’une injustice systémique, y compris dans ses formes les plus subtiles qui s’actualisent au sein de divers rapports de pouvoir (Deutsh, 2006; Cudd, 2006; Harvey, 1999; Van Wormer, 2005). Si l’oppression prend place dans des pratiques bien intentionnées c’est, entre autres, parce que ces dernières reposent sur certaines formes d’ignorance, elles-mêmes étroitement liées à leurs conditions sociales, politiques, historiques et culturelles de possibilité.

Young évoque l’oppression comme ce qui est expérimenté lors de pratiques quotidiennes. Mais de quoi est formée cette expérience, comment est-elle vécue, de quoi s’alimente-t-elle ? Cette interrogation des différents angles permettant de réfléchir à l’oppression et ses manifestations quotidiennes est au cœur des rencontres avec les personnes sourdes mises en scène dans la BD*. Si l’oppression se vit dans les multiples rapports aux autres et à travers diverses problématiques sociales ou communicationnelles, j’aimerais m’attarder ici à certains enjeux relatifs à l’oppression vécue par les personnes sourdes et malentendantes. Cela me permettra ensuite de proposer quelques réflexions sur les dimensions affectives de l’oppression.

Audisme : quelques formes d’oppression

L’oppression systémique affecte de façon particulière les personnes sourdes et malentendantes, notamment à travers l’audisme. L’audisme peut être défini comme un système normatif subordonnant les personnes sourdes et malentendantes par un ensemble de pratiques, d’actions, de croyances et d’attitudes qui valorisent les personnes entendantes et leurs façons de vivre (par exemple, entendre, parler), au détriment d’une diversité de mobilités et de langues (des signes).

De façon plus détaillée, le terme «audisme» désigne différentes formes d’oppression vécues par les personnes sourdes et malentendantes (Leduc, 2015). Il y a, par exemple, la croyance selon laquelle les personnes qui entendent sont supérieures en fonction de leur aptitude à entendre, à parler et à agir comme quelqu’un qui entend, et donc supérieures à celles qui sont sourdes ou malentendantes (Humphries, 1975); la manifestation historique et systémique de la domination et de l’autorité imposées par le monde entendant aux communautés sourdes (Lane, 1992); la discrimination et les préjugés envers les personnes qui sont sourdes ou malentendantes (American Heritage Dictionary, 2015); la hiérarchisation de la surdité et de l’audition en subordonnant la première à la seconde (Humphries, 1975); la hiérarchisation des langues des signes et des langues orales en subordonnant les premières aux secondes, voire le dénigrement ou la subalternisation des langues des signes (Bauman et al., 2013); et la supposition selon laquelle le langage et la parole sont des concepts interchangeables (Bauman, 2004, 2008).

Au quotidien, l’audisme s’incarne de multiples façons, mais j’ai choisi ici de m’attarder à trois formes, à savoir la stigmatisation, l’intériorisation de l’oppression et le passing afin de m’intéresser plus précisément aux dimensions affectives.

Stigmatisation

La stigmatisation a pour effet de faire passer la représentation d’une personne que l’on croyait « ordinaire » à une représentation d’être anormal (Goffman, 1963:12). Pionnier des études sur le sujet, Erving Goffman soutient ainsi que malgré les jeux de normes, ce qu’éprouve un individu stigmatisé, « au plus profond de lui-même », ce peut être le sentiment d’être « une personne normale » mais en même temps, il peut fort bien percevoir, d’ordinaire à juste titre, que, quoi qu’ils professent, les autres ne l’ « acceptent » pas vraiment, ne sont pas disposés à prendre contact avec lui sur « un pied d’égalité » (Goffman, 1963 :17-18).

La stigmatisation des personnes sourdes et malentendantes résulte en partie des normes forgées par le modèle médical, qui situe la surdité comme une incapacité individuelle8 et les langues des signes comme des sous-langues. En fait preuve l’insistance avec laquelle on continue à dire « langage des signes »9 (Bauman, 2004; Brueggemann 1999; Davis, 1995; Hole, 2007; Foss, 2014).

Si les personnes ayant une limitation visible sont plus sujettes à être discréditées de prime abord, dans le cas des personnes sourdes, c’est l’usage d’une langue des signes qui rend visible la différence susceptible d’engendrer un discrédit (Higgins, 1980; Tidball, 1986). Comme le font remarquer certaines personnes sourdes dans la bande dessignée (BD*), la tonalité de la voix, le fait de ne pas comprendre un message dans une interaction communicationnelle, ou la nécessité d’avoir recours à des services d’interprétation, sont d’autres éléments pouvant engendrer une stigmatisation. Bien souvent, c’est le fait même d’être une personne sourde, sans égards à un trait particulier, sinon à un ensemble de préjugés, qui cause stigmatisation et discrimination. Les discriminations en matière d’emploi et d’immigration ne sont que deux exemples parmi d’autres10.

Intériorisation de l’oppression

Fanon désigne l’aliénation psychique comme « l’expérience la plus prononcée de minorisation en ce que l’intériorisation des forces de socialisation définit, produit, maintient les différences de pouvoir entre les groupes de personnes » (Fanon, 1967 in Harrison, 2012 :78). Comptant parmi les manifestations de l’intériorisation de l’oppression, la honte est l’un des effets les plus notoires de la stigmatisation (Goffman, 1963:17-18). Elle consiste en un sentiment qui « affecte le plus le soi et qui est davantage central au sens de l’identité que d’autres affects »11 (Kaufman, 1989 in Kent, 2003:316).

L’intériorisation de l’oppression, ou l’audisme intériorisé, peut se manifester par la honte d’être sourde ou malentendant-e12 dans un contexte entendant, une désidentification de certaines personnes sourdes et malentendantes aux cultures sourdes ou encore un sentiment de culpabilité liée aux accommodements nécessaires pour déconstruire des barrières à l’accessibilité (Bat-Chava, 1994; Brunnberg, 2010; Campbell, 2008; Higgins, 1980). Si l’étude de Jambor et al. (2005) démontre que les personnes sourdes ayant une identification à une communauté sourde ou des compétences culturelles leur permettant de naviguer à la fois dans le monde sourd et entendant ont généralement une meilleure estime d’elles-mêmes13, cela ne les épargne pas de vivre à certains moments de leur vie une intériorisation de l’audisme.

Certes, l’incapacité, le handicap, la surdité ou la langue de « sa » communauté peut ne pas faire partie de la manière dont une personne s’identifie. L’autoreprésentation peut être forgée davantage par le genre, l’ethnicité, la religion ou l’orientation sexuelle (Shakespeare, 2006). De plus, bon nombre de Sourd-es se définissent plutôt comme membres d’une minorité linguistique et plusieurs refusent d’être considérées comme des personnes handicapées (Leduc, 2015). Dans tous les cas, il me semble important de différencier les contextes de personnes ayant eu la possibilité de prendre conscience de leur appartenance de celles qui n’ont pas eu cette opportunité. En d’autres mots, il y a une différence entre refuser une appartenance consciemment et refuser de nommer une partie de soi-même dans un contexte historique d’oppression. L’appartenance n’est pas une préférence individuelle ni une question de volontarisme : elle est intimement liée à « l’historicité du pourquoi, comment, où, et avec qui nous nous sentons appartenir »14 (Probyn, 1996, p. 35).

Passe / laisser passer

Généalogiquement, le passing15 était associé au fait de passer pour une personne blanche à titre de personne noire américaine et ce, en dépit d’un lien à des ancêtres noirs (Ginsberg, 1996;  Rose, 2013). D’abord pensé au niveau de la race, le concept de passing a été développé également à l’égard du genre, de l’identité sexuelle, de l’orientation sexuelle, du handicap et de la surdité (Brueggemann, 2010; Harmon, 2013; Harrison, 2012; Peifer, 1999; Samuels, 2003; Sandoval, 1997; Sánchez et al., 2001; Walker, 2001). Le passing implique généralement la tentative de cacher une identité ou certains éléments d’une identité oppressée, d’être perçue ou vouloir être perçue comme une membre du groupe dominant, d’accéder à des privilèges sociaux, d’atténuer les effets de l’oppression ou d’être considérée comme une personne humaine à part entière.

Contrairement au genre et à la race, dont la visibilité façonne de façon singulière la lecture sociale, l’hétérosexualité, la capacité et l’entendance sont souvent présumées. Tout comme l’hétérosexualité et le capacitisme, qui opèrent « comme des non-identités, comme l’ordre naturel des choses »16 (McRuer, 2003:79), l’entendance est souvent présumée jusqu’à ce que survienne un événement secouant cette présomption.

En prenant l’exemple des lesbiennes, des personnes queer féminines et des personnes ayant un handicap non visible17, Ellen Samuels (2003) remarque que ces identités exigent de prendre des décisions quotidiennes : passer ou se dévoiler? Cette question se pose de façon similaire pour les personnes sourdes et malentendantes. Agir dans les contextes communicationnels « comme si » on était entendant-e ou se faire prendre pour une entendant-e18 sont deux exemples de passing pour les personnes sourdes et malentendantes. L’usage de la parole, la lecture labiale et l’usage de l’ouïe (par la déduction auditive) sont des gestes qui s’apparentent aux façons dont les entendant-es communiquent et peuvent donner l’impression que le degré de surdité est moindre qu’en réalité (Hole, 2004).

Le passing revêt également un sens politique. Avoir la possibilité ou le choix de passer est généralement considéré comme un privilège, dans un contexte où l’affirmation de soi consiste en un processus politique qui exige d’assumer certaines appartenances sociales (Samuels, 2003; Harrison, 2013). Les logiques de visibilité étant centrales à une bonne partie des politiques queers, sourdes et handicapées, « le dévoilement est généralement valorisé alors que le passing est considéré assimilationniste »19 (Samuels, 2003:244), voire comme un acte de trahison (Walker, 2001 in Samuels 2003:240). Ceci tient au fait que la dissidence est valorisée comme une résistance à l’omniprésence de l’hétéronormativité, du capacitisme et de l’audisme, en tant que composante centrale de l’agentivité politique (McRuer et al., 2003:10; Garland-Thompson, 2011:35). Or, pour les personnes sourdes ou handicapées, choisir ou être amenées à se dévoiler à quelqu’un se traduit souvent par un impératif d’expliquer la sourditude ou le handicap (Gage, 1999 in Garland-Thompson, 2011; Wendell, 1996), bien que ce ne soit pas suffisant pour déconstruire les rapports de pouvoir à l’œuvre 20.

Le passing opère ainsi dans les rapports de pouvoir, sans lesquels il n’y aurait pas forcément de bénéfices à cacher des aspects de soi-même (Harrison, 2013:61). Paradoxalement, il crée une double distance, à la fois vis-à-vis du groupe dominant auquel nous n’appartenons pas, ou auquel nous ne sommes pas autorisées à appartenir, que vis-à-vis du groupe subjugué vis-à-vis duquel il y a certaines formes de désidentification (Harrison, 2013:79). Refusant la possibilité d’être stigmatisées, des personnes sourdes et malentendantes peuvent vouloir passer pour des entendant-es. Mais il arrive que le passing opère sans qu’il y ait un désir explicite de le faire. Cela advient, par exemple, lorsque un-e entendant-e découvre qu’ille a affaire à une personne sourde ou malentendante sans s’en être rendu compte préalablement (notamment, dans le cas de celleux qui parlent). Dès lors, il n’est pas rare de se faire féliciter : « tu parles bien, malgré tout! », «  tu le caches vraiment bien! » Comme le souligne Émilie dans la BD*, ce genre de commentaires peut être vécu par plusieurs comme une oppression, qui se manifeste de façon affective par une dissonance entre, par exemple, la fierté d’une appartenance sourde et l’allusion au fait que parler est une aptitude davantage valorisée que de signer. Le passing est ainsi forgé par une multiplicité de couches qui s’arriment de façon complexe à travers divers contextes communicationnels.

Cette exploration de la stigmatisation, de l’intériorisation de l’oppression et du passing esquisse une  cartographie complexe des rapports de pouvoir au sein desquels prend forme l’expérience de l’oppression. Les répercussions de celle-ci sont diverses, allant des enjeux de santé mentale21 à un manque de reconnaissance sociale (Fraser, 2005) en passant par un sentiment réitéré d’impuissance (Young, 1990). Si des formes de pouvoir d’agir considérables prennent forme à travers l’expérience de l’oppression, les différents témoignages de C’est tombé dans l’oreille d’une Sourde invitent à être sensible à ces répercussions.

Les dimensions affectives de l’oppression

Durant les années 1990, des intellectuel-les du champ des Cultural Studies (études culturelles) ont constaté les limites du constructivisme et du poststructuralisme à n’appréhender le monde qu’à travers le langage, la représentation et la construction sociale, et celle de la psychanalyse à n’interpréter l’affectif (dont le trauma) qu’à travers les signifiants psychologiques (Clough, 2007; Massumi, 2002). En s’intéressant à l’affect, Brian Massumi décrit cette « sensation [comme] la première lueur d’une expérience déterminée »22 (2002:16), les surfaces sensitives du corps agissant comme les murs sur lesquels résonne l’affect, et ce, à divers degrés d’intensité qui qualifieront l’expérience. Non seulement l’affect résonne sur les surfaces sensitives du corps, mais il y laisse une impression singulière, comme un relief ou « une texture dense qui offre des informations sur la manière dont, substantivement, historiquement, matériellement, elle en est venue à être »23 (Bora in Kosofsky Sedgwick, 2003:14).

Lorsque Young affirme que l’oppression est éprouvée dans les pratiques quotidiennes (1990:41), une panoplie de gestes, de pratiques, voire de choses indicibles pourraient être données en exemple. Dans la BD*, Theara souligne l’injustice qui permet aux personnes entendantes d’avoir accès aux institutions culturelles, dont la très grande majorité est pourtant inaccessible aux personnes sourdes. D’origine britannique et aujourd’hui étudiant au doctorat en linguistique, Daz relate la fois où un professeur de langue lui a dit qu’il était inutile d’apprendre le français s’il ne pouvait pas le parler (sous-entendant le parler sans accent sourd). Pour ma part, je pense à tous ces évènements qui ne sont pas accessibles et qui sont pourtant organisés par des gens progressistes et sensibles à d’autres types de rapports de pouvoir. Ainsi, la vie quotidienne est formée de mille et un détails qui forgent affectivement notre rapport au monde en tant que personnes sourdes.

En réfléchissant aux émotions d’un point de vue fort politique à mon sens, Sara Ahmed remarque leur rôle central dans l’expérience de l’oppression. Elle remet ainsi en question le postulat selon lequel les émotions seraient individuelles : « les émotions ne sont pas simplement quelque chose que “j’”ai ou que “nous” avons […] »24 (Ahmed, 2015), elles forgent l’expérience et les possibilités d’êtres humains et de collectivités de façon singulière. Interrogeant à l’instar d’Ahmed l’incidence de la répétition25 sur « le façonnement des corps et des mondes »26 (Ahmed, 2006:2), je me suis intéressée aux dissonances affectives.

Dissonance

Le concept de dissonance permet de qualifier ce qui est précisément éprouvé lors des interactions oppressives auxquelles fait référence Young (1990). La dissonance pourrait être appréhendée en termes d’affects émergeant de dissensions momentanément indicibles parce qu’inintelligibles dans la matrice communicationnelle de l’oppression quotidienne. En d’autres termes, la notion de dissonance permet de saisir ce qui est éprouvé lorsque des formes de micro-violence surgissent ou deviennent familières, sans qu’elles ne puissent pour autant être nommées ou explicitées dans les moments communicationnels ordinaires. En certains lieux, et dans certaines interactions, nous pouvons nous sentir intensément affecté-es, voire bouleversé-es. La dissonance affective résultant de certaines situations de passing en est un exemple, celle-ci pouvant être amplifiée par l’impossibilité de l’exprimer ou de la laisser paraitre lorsqu’elle surgit.

La dissonance a été étudiée dans sa dimension systémique27 (Harvey, 1993, 2002), psychologique (Leigh, 2009; Graham et al., 1994 in Leigh, 2009) ou encore dans des contextes professionnels (Glickman et al., 1996). Elle peut aussi être considérée dans une perspective plus vaste, célébrant son potentiel créatif et politique : « Dissonance : Clash. Tension. Disharmonie. Déséquilibre. Contradiction. Agitation. Irrésolution. Déséquilibre. Ni bruit ni cacophonie, la dissonance amalgame l’incompatible avec pour résultat la surprise, la blessure, l’invitation, la perturbation et la mise en émoi, l’incitation et la créativité. La dissonance suscite et fait des flammèches, des étincelles. Pensez à la dissonance comme le cliquetis sans fin des notes et des accords en dissonance musicale, des idées en dissonance cognitive, des systèmes de vie en dissonance culturelle, de mots en dissonance poétique »28  (Finger Lakes Environmental Film Festival29, 2014).

À l’égard des personnes sourdes, les affects émergeant de dissensions entre les définitions sociales normatives (malentendant-es) et l’auto-identification (Sourd-es), entre une attente envers certaines personnes et leurs actions concrètes (telle une personne alliée qui aurait une attitude audiste inconsciente), ou encore, entre les préjugés à l’égard des personnes sourdes et les réalités qu’elles vivent, constituent quelques exemples de dissonance.

Au niveau symbolique, le concept de dissonance est porteur en ce qu’il réfère intrinsèquement au son. Les personnes entendantes réfèrent souvent au monde sourd comme celui du silence30. Or la majorité des Sourd-es que j’ai rencontré-es perçoivent au moins les vibrations, et parfois même davantage. Même si les Sourd-es profond-es n’entendent pas les rythmes d’un concert, illes les ressentent à travers leurs corps et les perçoivent tout de même. Ludwig van Beethoven était sourd, et il percevait la musique. L’artiste sourde contemporaine Christine Sun Kim se réapproprie le son, refusant de le considérer comme la propriété des entendant-es (Sekoff, 2012, Leduc 2016d).

Les dimensions affectives de l’oppression nous invitent à porter un regard nuancé dans nos analyses des rapports de pouvoir à l’œuvre dans nos diverses pratiques. Ainsi, œuvrer à une plus grande justice sociale pourrait signifier de prendre conscience des divers préjugés qui persistent à l’égard des personnes sourdes et malentendantes et d’encourager le développement de pratiques solidaires et conscientisées chez les personnes entendantes.

Agentivité

Malgré les difficultés qu’elle engendre dans nos façons de vivre en tant que personnes sourdes et malentendantes, la réitération de la violence – culturelle, symbolique – forge également des possibilités d’agentivité. Dans une perspective foucaldienne, Halperin (2000) rappelle que : « Le pouvoir n’est pas intrinsèquement, ni seulement négatif : il n’est pas seulement le pouvoir de nier, de supprimer ou de contraindre […]. Le pouvoir est aussi positif et productif. Il produit des possibilités d’action, de choix – et, finalement, il produit les conditions d’exercice de la liberté […]. Le pouvoir n’est donc pas l’opposé de la liberté. Et la liberté n’est pas une liberté en dehors du pouvoir – ce n’est pas une zone privilégiée extérieure au pouvoir, hors d’atteinte du pouvoir, mais une potentialité interne au pouvoir, et même un des effets du pouvoir » (Halperin, 2000:33).

C’est parce que je ressentais une forte dissonance à ce qu’il n’y ait aucune bande dessinée entièrement en langue des signes (Leduc, à paraître) que j’ai eu envie de mener une recherche-création. Grâce au potentiel des technologies numériques, la BD* est devenue site d’agentivité et de créativité, en permettant à des personnes sourdes de témoigner, en signant, de leur sourditude, à travers les milles nuances du quotidien (Leduc, 2016c). Ce faisant, la BD* contribue à développer des savoirs signés nécessaires au renouvellement des perspectives épistémologiques et des pratiques solidaires (Leduc, 2015).

J’ai mené cette recherche avec le souhait qu’une meilleure compréhension des subtilités de l’oppression vécue par les personnes sourdes et malentendantes puisse générer des conditions de sensibilité génératrices de nouvelles possibilités pour le devenir de la sourditude et pour le devenir de nos sociétés formées de personnes entendantes, sourdes et malentendantes. Je désire que ces nouvelles possibilités prennent la forme de transformations au sein de nos pratiques quotidiennes, culturelles et communicationnelles, et tout particulièrement, à travers ces « bouts d’existence » (Laplantine, 2005:260) que sont les rencontres et les interactions qui tissent nos vies et lui donnent sens. La déconstruction des privilèges entendants offre en ce sens des avenues prometteuses31.

 

Notes

1. Cet article est composé en partie de passages de ma thèse inédite de recherche-création en communication (Leduc, 2015). Je remercie Geneviève Bujold pour sa révision du texte.

2. Ma traduction, comme c’est le cas pour toutes les citations traduites. Les citations originales en LSQ ne peuvent être reproduites ici, compte tenu des limites techniques de l’écriture typographiée, mais j’indique la référence temporelle dans la vidéo. Leduc, 2016a, https://vitheque.com/fr/oeuvres/cest-tombe-dans-loreille-dune-sourde-emilie, 7min20 à 7min22.

3. C’est tombé dans l’oreille d’une Sourde est une bande dessignée – un néologisme désignant une bande dessinée bilingue en langue des signes québécoise (LSQ) et en français produite à partir d’extraits d’entrevues avec des personnes sourdes et des membres de ma famille entendante réalisées dans le cadre de ma thèse. Pour la distinguer, j’ajoute un astérisque à l’acronyme conventionnel : BD*. Utilisant la vidéo comme forme d’écriture apte à rendre compte de la tridimensionnalité des langues des signes et de leurs composantes linguistiques, la BD* d’une durée totale de 4 heures est produite sous forme de chapitres vidéo diffusés sur un site Internet. Produite en noir et blanc, elle comporte des vidéos de protagonistes signant la LSQ, éditées avec un effet de dessin animé, des textes en français disposés dans des phylactères et des arrière-plans édités avec un logiciel de graphisme. Lancé aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) et primé au Toronto International Deaf Arts and Film Festival (TIDFAF), un court-métrage de 16 minutes a été produit pour des fins de diffusion publique.

4. Alors que la surdité est un terme souvent déterminé par le champ médical, le concept de sourditude (Ladd, 2003) met « l’accent sur la position existentielle des personnes sourdes plutôt que sur la surdité en tant que pathologie ou condition physique » (Leduc et Grenier, 2017:214). Le concept de sourditude comporte un ensemble de significations impossible à aborder ici. Ladd reconnaît ainsi que « le concept n’est pas “fini” et que – peut-être paradoxalement – l’exploration de ses significations fait partie de la signification même du concept » (Kusters et De Meulder, 2013:432). Citation originale : « […] the concept is not “finished” and that— perhaps paradoxically—the exploration of its meaning is part of the meaning of the Deafhood concept itself […] »

5. Leduc, 2016a, https://vitheque.com/fr/oeuvres/cest-tombe-dans-loreille-dune-sourde-pamela, 13min à 13min08.

6. Leduc, 2016a, https://vitheque.com/fr/oeuvres/cest-tombe-dans-loreille-dune-sourde-hodan, 23min46 à 23min48.

7. « Oppression designates the disadvantage and injustice some people suffer not because a tyrannical power coerces them, but because of the everyday practices of a well-intentioned liberal society ».

8. Contrairement au modèle médical du handicap qui s’intéresse aux limitations fonctionnelles de l’individu, le modèle social du handicap, développé par les Disability Studies (études sur le handicap), situe le handicap comme résultant de conditions structurelles limitant l’accessibilité au niveau social, culturel, politique et communicationnel (Barnes, 1991; Davis, 2010; Goodley, 2011).

9. On ne dit pourtant pas langage français mais bien langue française. Le terme « interprète gestuel » (plutôt qu’interprète LSQ-français, par exemple) fréquemment utilisé est également problématique puisque d’une part, il réitère le stéréotype d’une sous-langue composée de « gestes » plutôt que de signes et, d’autre part, il ne rend pas compte de l’existence de la pluralité des langues des signes. On ne s’imaginerait pas regrouper tous les interprètes de langues parlées sous l’expression « interprète oral » : il existe bel et bien des désignations spécifiques en la matière (par exemple une interprète français-espagnol).

10. L’Association des Sourds du Canada documente différentes formes de discrimination sur son site Internet (ASC, 2012).

11. « […] shame is more disturbing to the self and more central to a sense of identity than other affect is ».

12. Alors que, dans les communautés sourdes, langue des signes et cultures sourdes sont sources de fierté, je me suis interrogée sur l’incidence du terme « malentendant », dont le point de référence demeure la norme d’une « bonne entendance ». Des malentendant-es considèrent-illes leur singularité comme digne de fierté? Il y aurait lieu d’investiguer.

13. La question de l’intériorisation de l’oppression se pose de façon singulière à l’heure où les technologies de l’implantation cochléaire reçoivent un vaste appui social et médical. Ainsi, selon une étude menée au East Danish Cochlear Implant Center, l’estime de soi des enfants ayant un implant cochléaire serait similaire à celle des enfants entendants (Percy-Smith et al., 2008). Toutefois, ces enfants peuvent rencontrer des difficultés dans le domaine de la participation sociale et du bien-être socioaffectif (Punch et Hyde, 2011). Par ailleurs, certaines personnes sourdes ayant reçu un implant en tant qu’enfant critiquent le choix de leurs parents une fois à l’âge adulte (Swanson, 1997). Comme le remarque le docteur Hartley Bressler, si les histoires de succès de l’implant cochléaire s’articulent souvent autour de l’analogie du miracle, les échecs sont quant à eux rarement voire jamais documentés (ibid, p. 930). Dans tous les cas, il s’agit d’une question complexe ici uniquement survolée.

14. « […] deep historicity of why, how, where, and with whom we may feel that we belong ».

15. Ce nom est difficilement traduisible en français (le mot « passage » me semble imprécis). J’utilise donc le terme anglais « passing » que j’utilise sans guillemets étant donné son usage courant. Pour le verbe, j’utilise le terme « passer ».

16. « […] able-bodiedness, even more than heterosexuality, masquerades as a nonidentity, as the natural order of things. »

17. Ce sont les figures que Samuels (2003) étudie comme sites de non visibilité (inapparente) et d’invisibilité (inintelligible).

18. Présomption à l’entendance que l’on pourrait comparer à la présomption à l’hétérosexualité. Parler avec la main devant la bouche ou supposer que son interlocuteur-trice comprend les paroles des chansons ou entend les oiseaux sont des situations de présomption à l’entendance qui pourraient revêtir une connotation similaire, dans le cas d’une présomption à l’hétérosexualité, à demander d’emblée à une femme si elle a un conjoint (excluant implicitement dans la formulation la possibilité qu’elle ait une conjointe).

19. « Discourses of coming out and passing are central to visibility politics, in which coming out is generally valorized while passing is seen as assimilationist. »

20. Par exemple, Peifer explique comment elle a commencé à utiliser une canne blanche parce que certaines personnes ne croyaient pas qu’elle était aveugle (1999).

21. Le taux de problèmes de santé mentale chez les personnes sourdes est deux fois plus élevé que celui étant associé à la population entendante (Hindley et al., 2000 in Kusters et al., 2013, p. 430)

22. « […] the sensation is the first glimmer of a determinate experience »

23. « […] the kind of texture that is dense with offered information about how, substantively, historically, materially, it came into being. »

24. « […] emotions are not simply something ‘I’ or ‘we’ have. »

25. La répétition est également un thème central des théories de la performativité telles que développées, entre autres, par Judith Butler et John Langshaw Austin.

26. « […] the role of repeated and habitual actions in shaping bodies and worlds. »

27. Le concept de dissonance est également utilisé en lien avec les identités racisées (Leigh, 2009 : 129; Ridley, 2005).

28. « Dissonance: Clash. Tension. Disharmony. Disequilibrium. Contradiction. Restlessness. Irresolution. Imbalance. Neither noise nor cacophony, dissonance pairs together the incompatible with results that surprise, offend, invite, disturb and excite, spurring action and creativity. Dissonance sparks and ignites. Think of dissonance as the endless clashing of notes and chords in musical dissonance, of ideas in cognitive dissonance, of systems of life in cultural dissonance, of words in poetic dissonance. »

29. Le Finger Lakes Environmental Film Festival s’adresse aux étudiant-es de doctorat racisé-es à Ithaca.

30. Tel que le suggère le titre français du film « Les enfants du silence » (Haines, 1986).

31. Pour le lectorat intéressé, j’ai traduit et bonifié la déclaration sur les privilèges entendants d’Alison Aubrecht et al. (2012), disponible en ligne sur academia.edu : goo.gl/Nj5BQC (URL simplifié).

Références

Ahmed, Sara (2015), Cultural Politics of Emotion, 2e édition, New York : Routledge.

——– (2006), Queer Phenomenology : Orientations, Objects, Others, Durham et Londres, Duke University Press.

ACS – Association des Sourds du Canada (2012), « L’emploi et l’employabilité », en ligne : http://www.cad.ca/emploi_et_employabilite.php.

Aubrecht, Alison et Erin Furda (2012), Exploring Hearing Privilege: An Introduction, en ligne : http://facundoelement.tumblr.com/post/103207822435/exploring-hearing-privilege-an-introduction, consulté le 20 septembre 2017. Version française par Véro Leduc (2013), en ligne sur academia. edu : goo.gl/Nj5BQC (URL simplifié)

Bat-Chava, Yael (2000), « Diversity of deaf identities », American Annals of the Deaf, 145(5), p. 420-428.

Bauman, H-Dirksen L. (dir) (2008), Open Your Eyes. Deaf Studies Talking, Minneapolis, University of Minnesota Press.

——– (2004), « Audism: Exploring the Metaphysics of Oppression », Journal of Deaf Studies and Deaf Education, 9, p. 239‑246.

Bauman, H-Dirksen L. et Scott Simser (2013), Au-delà du capacitism et de l’audisme : garantir le respect des droits de la personne des citoyens sourds et malentendants (sic.), Sudbury, société canadienne de l’ouïe, 53 pages. En ligne : http://www.chs.ca/sites/default/files/au-dela_du_capacitism_et_de_laudisme_2013_1.pdf.

Brueggemann, Brenda Jo (2010), « On (Almost) Passing », in Lennard J. Davis (dir.), The Disability Studies Reader, 3e édition, New York et Londres, Routledge, p. 209-219.
——– (1999), Lend Me Your Ear: Rhetorical Constructions of Deafness, Washington, Gallaudet University Press.

Brunnberg, Elinor (2010), « Hard-of-hearing children’s sense of identity and belonging », Scandinavian Journal of Disability Research, 12(3), p. 179-197.

Campbell, Fiona A. Kumari (2008), « Exploring internalized ableism using critical race theory », Disability & Society, 23, p. 151‑162.

Clough, Patricia T. (2007), The Affective Turn. Thorizing the Social, Durham et Londres, Duke University Press.

Cudd, Ann E. (2006), Analyzing Oppression, New York, Oxford University Press.

Cutter, Martha J. (1996), « Sliding Significations: Passing as a Narrative and Textual Strategy in Nella Larsen’s Fiction », in Elaine K. Ginsberg (dir.), Passing and the Fictions of Identity, Durham, Duke University Press, p. 75‑100.

Davis, Lennard J. (1995), Enforcing Normalcy: Disability, Deafness, and the Body, Londres et NewYork, Verso.

Deutsch, Morton (2006), « A Framework for Thinking About Oppression and Its Change », Social Justice Research, 19(1), p. 7‑41.

Finger Lakes Environmental Film Festival (2014), « Dissonance », en ligne : http://www.ithaca.edu/fleff/dissonance, consulté le 1er septembre 2014.

Foss, Katherine A (2014), « Constructing Hearing Loss or “Deaf Gain?” Voice, Agency, and Identity in Television’s Representations of d/Deafness », Critical Studies in Media Communication, 31(5), p. 426‑447.

Fraser, Nancy (2005), Qu’est-ce que la justice sociale? Paris, La découverte.

Garland-Thomson, Rosemarie (2011), « Integrating Disability, Transforming Feminist Theory », in Kim Q. Hall (dir.).  Feminist Disability Studies, Bloomington et Indianapolis, Indiana University Press, p. 14‑47.

Gaucher, Charles (2012), « Les Sourds ne gesticulent pas, ils “signent” : Réflexion sur le rapport entre corps sourds et langues des signes », Anthropologie et Sociétés, 36(3), p. 153‑170.

——– (2009), Ma culture, c’est les mains. La quête identitaire des sourds au Québec, Québec, Presses de l’Université Laval.

Ginsberg, Elaine K. (1996), Passing and the Fictions of Identity, Durham, Duke University Press.

Glickman, Neil S. et Michael A. Harvey (1996), Culturally Affirmative Psychotherapy With Deaf Persons, New York, Routledge.

Goffman, Erving (1963), Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, Minuit.

Halperin, David (2000), Saint Foucault, Paris, EPEL.

Harmon, Kristen C (2013), « Growing Up to Become Hearing. Dreams of Passing in Oral Deaf Education », in Jeffrey A. Brune et Daniel J. Wilson (dir.), Disability and Passing: Blurring the Lines of Identity, Philadelphia, Temple University Press.

Harrison, Kelby (2012), « Power Over the Passing Subject: Creating Ethics Under Oppression », in Kelby Harrison et Dennis R. Cooley (dir.), Passing/Out: Sexual Identity Veiled and Revealed, Londres, Ashgate Publishing.

Harvey, M.A. (2002), Psychotherapy with Deaf and Hard of Hearing Persons: A Systemic Model, 2e édition, Mahwah, NJ, Lawrence Erlbaum Associates Publishers.

——– (1993), « Cross Cultural Psychotherapy With Deaf Persons: a Hearing, White, Middle Class, Middle Aged, Non-gay, Jewish, Male, Therapist’s Perspective »,  Journal of the American Deafness and Rehabilitation Association, 26(4),  p. 43-55.

Harvey, Jean (1999), Civilized Oppression, Lanham, Rowman and Littlefield Publishers.

Higgins, Paul C. (1980), Outsiders in a Hearing World. Sociology of Deafness, Beverly Hills et Londres, Sage.

Hole, Rachelle (2007), « Narratives of Identity: a Poststructural Analysis of Three Deaf Women’s Life Stories », Narrative Inquiry, 17(2), p. 259-278.

Humphries, Tom (1975), Audism: The making of a word, inédit.

Jambor, Edina et Marta Elliott (2005), « Self-esteem and Coping Strategies among Deaf Students », Journal of Deaf Studies and Deaf Education, 10(1), p. 63‑81.

Kent, Bruce A. (2003), « Identity Issues for Hard-of-Hearing Adolescents Aged 11,13 and 15 in Mainstream Settings », Journal of Deaf Studies and Deaf Education, 8(3), p. 315‑324.

Kosofsky Sedgwick, Eve (2003), Touching Feeling : Affect, Pedagogy, Performativity, Durham, Duke University Press.

Kusters, Annelies et Maartje De Meulder (2013), « Understanding Deafhood: in search of its meanings », American Annals of the Deaf, 157(5), p. 428‑438.

Ladd, Paddy (2003), Understanding Deaf Culture. In Search of Deafhood, Buffalo, Toronto et Sydney, Multilingual Matters.

Lane, Harlan (1992), The Mask of Benevolence: Disabling the Deaf Community. Knopf.

Laplantine, François (2003), De tout petits liens. Paris, France : Mille et une nuits.

Leduc, Véro (à paraitre), « Est-ce vraiment une bande dessinée ? Langues des signes, intermédialité et déconstruction culturelle », Canadian Journal of Disability Studies, numéro spécial Cripping the Arts.

——– (2016a), C’est tombé dans l’oreille d’une Sourde, bande dessignée numérique bilingue en LSQ et en français, 10 chapitres-vidéos, Montréal, Distribution Le Vidéographe. En ligne : www.vimeo.com/channels/bdlsq et https://vitheque.com/fr/oeuvres/cest-tombe-dans-loreille-dune-sourde-les-personnages

——– (2016b), C’est tombé dans l’oreille d’une Sourde, court-métrage, 16 minutes, Montréal, Distribution Le Vidéographe.

——– (2016c), « “It Fell on Deaf Ears”: Deafhood Through the Graphic Novel as a Form of Artivism », in C. Kelly et M. Orsini (dir.), Mobilizing Metaphor: Art, Culture and Disability Activism in Canada, Vancouver, UBC Press.

——– (2016d), « Digital Art », in P. Boudreault et G. Gertz (dir.), The Deaf Studies Encyclopedia, Los Angeles et Londres, Sage Publications.

——–. 2015. C’est tombé dans l’oreille d’une Sourde. La sourditude par la bande dessignée. Thèse de doctorat inédite, Département de communication, Université de Montréal.

Leduc, Véro et Line Grenier (2017), « Signer/connecter : Enjeux croisés du vieillissement, des technologies et de la sourditude», Canadian Journal of Communication | Revue canadienne de communication, numéro thématique Seniors and Technologies | Issues of inclusion and exclusion, p. 213-233.

Leigh, Irene (2009), A Lens on Deaf Identities, Oxford, Oxford University Press.

Massumi, Brian (2002), Parables for the Virtual: Movement, Affect, Sensation, Durham et Londres, Duke University Press.à

McRuer, Robert (2003), « As Good As It Gets: Queer Theory and Critical Disability », in Robert McRuer et Abby L. Wilkerson (dir.), Desiring Disability: Queer Theory Meets Disability Studies, GLQ, A Journal of Lesbian and Gay Studies, 9(1-2), p. 79‑105.

Peifer, Deborah (1999), « Seeing Is Be(liev)ing », in Victoria A. Brownworth. et Susan Raffo (dir.), Restricted Access: Lesbians on Disability, Seattle, Seal Press, p. 30-34.

Percy-Smith, Lone, Per Cayé-Thomasen, Mette Gudman, Jørgen Hedegaard Jensen et Jens Thomsen (2008), « Self-esteem and social well-being of children with cochlear implant compared to normal-hearing children », International Journal of Pediatric Otorhinolaryngology, 72(7), p. 1113‑1120.

Probyn, Elizabeth (1996), Outside Belongings, New York et Londres, Routledge.

Punch, Renée et Merv Hyde (2011), « Social Participation of Children and Adolescents With Cochlear Implants: A Qualitative Analysis of Parent, Teacher, and Child Interviews », Journal of Deaf Studies and Deaf Education, 16(4), p. 474‑493.

Ridley, Charles R. (2005), Overcoming Unintentional Racism in Counseling and Therapy: A Practitioner’s Guide to Intentional Intervention, Thousands Oaks, Sage.

Rose, Fabien (2013), « (Sa)voir le genre autrement : le gender passing comme paradigme », thèse de doctorat, Montréal, Université Concordia.

Samuels, Ellen (2011), « Critical Divides: Judith Butler’s Body Theory and the Question of Disability », in Kim Q. Hall (dir.). Feminist Disability Studies, Bloomington et Indianapolis, Indiana University Press, p. 48‑66.

——– (2003), « My Body, My Closet : Invisible Disability and the Limits of Coming-Out Discourse », in  Robert McRuer et Abby L. Wilkerson (dir.), Desiring Disability: Queer Theory Meets Disability Studies, GLQ, A Journal of Lesbian and Gay Studies, 9(1-2), p. 233-255.

Sánchez, María Carla et Linda Schlossberg (2001), Passing: Identity and Interpretation in Sexuality, Race, and Religion, New York, New York University Press.

Sandoval, Gaby (1997), « Passing Loquería », in Laura Harris and Elizabeth Crocker (dir.), Femme : Feminists, Lesbians, and Bad Girls, New York, Routledge, p. 170-174.

Sekoff, Hallie (2012), « Christine Sun Kim, A Deaf Artist, “Reclaims Sound” In A Short Film By Todd Selby (VIDEO) ». Huffington Post, en ligne : http://www.huffingtonpost.com/2012/09/10/christine-sun-kim-deaf-pe_n_1870489.html.

Shakespeare, Tom (2006), Disability Rights and Wrongs, New York, Routledge.

Swanson, Lynne (1997), « Cochlear implants: the head-on collision between medical technology and the right to be deaf », CMAJ: Canadian Medical Association Journal, 157(7), p. 929‑932.

Tidball, L. Kaye (1986), « A study of the coping strategies developed by older adults who have been deaf since adolescence and possible application of the strategies to the aging process », thèse de doctorat, Lincoln, University of Nebraska.

Van Wormer, Katherine (2005), « Concepts for Contemporary Social Work: Globalization, Oppression, Social Exclusion, Human Rights, Etc. », Social Work and Society, 3, p. 1‑10.

Walker, Lisa (2001), Looking Like What You Are: Sexual Style, Race, and Lesbian Identity, New York, New York University Press.

Young, Iris Marion (1990), Justice and the Politics of Difference, Princeton, Princeton University Press.