Valeurs et approches d’intervention

Introduction

Après des années de regards qui excluent, certaines personnes vivant à la rue sont devenues invisibles à leurs propres yeux. Les accompagner vers un mieux-être supposera d’abord de leur permettre de se reconnaître comme un être doté de forces et capable de succès, au-delà de la toxicomanie et de la stigmatisation, de la maladie et de ses symptômes.

Dans le contexte d’une culture d’intervention où l’intervenant·e est souvent à l’avant-plan, des approches fondées sur « l’accompagnement » et le « rétablissement (1) demandent une vigilance et un travail sur soi afin de demeurer « aux côtés » de la personne. Les intervenant·e·s misent sur une intervention fondée sur le respect du rythme des personnes, de leurs choix et de leurs rêves, en se situant en dehors des approches directives. Il peut cependant être confrontant de se mettre au service des objectifs des personnes dans un contexte où leurs choix et leurs conditions de vie heurtent parfois de plein fouet les valeurs des intervenant·e·s. Le travail est d’autant plus difficile qu’il se donne pour objectif d’accompagner la personne sur le chemin qu’elle souhaite emprunter, alors qu’elle envoie parfois des messages confus et contradictoires sur la route à prendre.

Huit principes d’intervention afin de cheminer « aux côtés » des personnes en situation d’itinérance

Pour voir ce que ça veut dire sur le terrain, lisez les récits de pratiques:

Faire vivre le rêve : accompagner un retour aux études malgré le scepticisme des professionnels autour d’une personne
« Notre but dans l’intervention est de laisser la nouvelle personne émerger. Nous ne savons pas ce que sera le résultat : il faut se laisser surprendre. » Projet Chez soi à Montréal
Équipe de suivi à intensité variable (SIV), CSSS Jeanne-Mance

Prendre la parole au sérieux, malgré le délire. Une histoire de futon
« Comme intervenant·e·s, nous ne connaissons pas les moyens, nous essayons de les découvrir avec les personnes. Nous tentons avec elles de construire des ponts entre la folie et le monde réel. »
Projet Chez soi à Montréal
Équipe de suivi à intensité variable (SIV), Diogène

Quand l’appartement rime avec symptômes de la maladie mentale 
« Il faut que je respecte son rythme, tout en l’aidant à trouver des moyens.
Les longs délais ne fonctionnent pas. Les non-délais non plus. Il faut savoir doser. »

Projet Chez soi à Montréal
Équipe de suivi à intensité variable (SIV), Diogène

Après le décès. Préserver le droit à la dignité et rester à l’écoute des proches
« Il a été marginalisé dans sa vie, mais il n’est pas parti dans l’anonymat. » Projet Chez soi à Montréal
Équipe de suivi à intensité variable (SIV), Diogène

La venue d’un nouveau-né: offrir des moyens et suivre le défilé 
« Il faut parfois accepter de n’être qu’un court relais dans le long parcours d’une personne vers son rétablissement. »
Projet Chez soi à Montréal
Équipe de suivi intensif dans le milieu (SIM), CSSS Jeanne-Mance

Aider un homme d’origine inuite à renouer avec lui-même
« Les gens accordent peu de valeur à leurs savoirs, à moins de savoir qu’on leur en donne. »
Projet Chez soi à Montréal – Équipe de suivi à intensité variable (SIV), Diogène

Accompagner sans succomber à l’urgence. Quand l’intervention consiste à attendre le moment propice au rétablissement
« L’important dans l’intervention est de nourrir le rêve, l’espoir, tout ce qui est lié à l’estime de soi et de ne pas arroser l’impuissance, acquise avec le temps. »
Projet Chez soi à Montréal
 Équipe de suivi à intensité variable (SIV), Diogène

Avoir des papiers pour exister
« Un de nos mandats est de redonner aux personnes le goût d’être des citoyen·ne·s à part entière. »
Projet Chez soi à Montréal
Équipe de suivi intensif dans le milieu (SIM), CSSS Jeanne-Mance

L’usage du récit personnel et du cahier du rétablissement
« À travers ces outils cliniques, j’ai pu apprendre à connaître les gens et avoir des éléments concrets pour les aider à reconnaître leurs qualités et leurs aptitudes. »
Projet Chez soi à Montréal
Équipe de suivi à intensité variable (SIV), Diogène

Faire des pas là où c’est possible : traumatisme crânien, agressivité et perte d’autonomie
« Dans l’accompagnement, j’avance où c’est possible avec lui, sans savoir où il sera en mesure de faire des pas. Il n’est pas fait pour vivre en groupe, mais il n’a pas l’autonomie de vivre seul. »
Projet Chez soi à Montréal
Équipe de suivi à intensité variable (SIV), CSSS Jeanne-Mance

Garder le cap de l’approche du rétablissement axé sur les forces des personnes
« Travailler en rétablissement, c’est d’abord se gérer soi-même comme intervenant·e avant d’avoir la prétention de gérer la vie de l’autre. »
Projet Chez soi à Montréal
Équipe de suivi à intensité variable (SIV), Diogène

Terminer une relation d’intervention… tout en maintenant l’élan
« Les personnes qui ont vécu longtemps à la rue ont souvent une faible estime d’elles-mêmes. Le bilan sert à explorer avec elles le fait que les étiquettes qu’elles portent sur elles-mêmes ne sont plus aussi pertinentes qu’elles l’ont été. » 
Projet Chez soi à Montréal
Équipe de suivi à intensité variable (SIV), CSSS Jeanne-Mance

Intervenir face à une double vulnérabilité : itinérance et déficience intellectuelle
« Même si, dans ma vision d’intervenant, je voyais bien d’autres priorités en termes de besoins, je devais tenir compte de sa priorité à elle pour ensuite lui permettre d’avancer vers une autre étape. »
Équipe itinérance, CSSS Jeanne-Mance, Montréal

Groupe de conversation thérapeutique
« Graduellement, un collectif commence à se construire, permettant aux individus de sortir de leur solitude. Les participant·e·s constatent qu’ils·elles ne sont pas les seul·e·s à vivre certaines situations difficiles. »
Équipe itinérance, CSSS Jeanne-Mance, Montréal

Une réflexion sur l’action : impact de la participation à une recherche
« Parfois, l’intervention se limite seulement à essayer de voir comment nous pouvons améliorer un aspect circonscrit de la vie d’une personne pour qu’elle se sente mieux. »
Équipe Itinérance, CSSS de Laval

(1) Accompagnement : Posture où l’intervenant·e met au centre de l’intervention les valeurs, les objectifs et les besoins exprimés par la personne. Selon l’Office québécois de la langue française, il s’agit d’une « présence physique, psychologique et professionnelle d’un·e intervenant·e dans une phase d’adaptation, de réadaptation ou d’intégration sociale dans le but d’en assurer le bon déroulement. »

Rétablissement : Il s’agit de vivre au-delà des incapacités et de donner un sens à sa vie. (PECH) Le rétablissement est un processus de longue haleine qui consiste à faire sa vie malgré la maladie mentale, de la même façon que des personnes souffrant de maladie chronique, comme les personnes diabétiques ou asthmatiques. (Institut Douglas).

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